La coopération et la solidarité internationale en France

La coopération décentralisée

Les effets de la mondialisation sont de plus en plus perceptibles dans tous les domaines et à tous les niveaux de la vie publique. Ce qui se passe ailleurs a des conséquences ici et réciproquement : les modes de production et de consommation comme les choix politiques et économiques des gouvernements occidentaux ont également des conséquences pour toute la planète.

D’où l’importance pour la coopération régionale (territoriale) d’inclure dans ses initiatives les questions internationales. En favorisant la rencontre et le travail en commun de toutes les catégories d’habitant.e.s autour de la réalisation d’actions sociales ou culturelles, les collectivités développent un sentiment commun d’appartenance à un territoire. Elles sont donc vecteur de cohésion sociale et de vitalité locale. En liant problématiques locales et internationales, elles mobilisent aussi bien les communautés migrantes que les écoles, les secteurs professionnels, les hôpitaux, les politiques ou le monde associatif. Elles peuvent également contribuer au développement économique territorial, en créant des emplois. En ce sens, on peut dire qu’elles participent pleinement au développement local. La recherche de relations internationales d’entraide ou d’échanges entre structures comparables s’est renforcée. La priorité actuelle en matière de coopération est bien d’agir à l’échelle locale, « de société à société », en collaborant de manière étroite avec la population et les organisations de la société civile.

Les collectivités engagées dans la coopération internationale ont également conscience que, pour résoudre des situations problématiques dans d’autres régions du monde, la coopération doit agir sur les causes, et pas seulement sur les symptômes. Aux côtés de l’aide humanitaire, elles ont donc développé de nouvelles formes d’action internationale : actions de coopération décentralisée, soutien aux associations locales de solidarité internationale, création de fonds d’interventions dans les domaines de la santé ou de l’éducation, participation à des réseaux mondiaux de collectivités, inscription dans la dynamique des Forums sociaux mondiaux… Un foisonnement d’actions, rendu possible par une mise en réseau des acteurs partie prenante de la solidarité et de la coopération internationales. Ces collectifs, plateformes, réseaux ou coordinations permettent effectivement aux acteur.rice.s d’échanger sur leurs pratiques, de mutualiser les moyens et compétences pour démultiplier les actions. En gagnant en force et en visibilité, ces réseaux se sentent également plus légitimes de dialoguer avec les pouvoirs publics pour essayer de peser sur les politiques de coopération.

Historique

Après la Seconde guerre mondiale, les premières relations de ville à ville à l’échelle européenne naissent dans un contexte de réconciliation et de culture de paix entre les peuples. En 1950, Montbéliard et Ludwigsburg scellent le premier jumelage franco-allemand, ouvrant la voie à la signature de dizaines de traités d’amitiés entre villes de ces deux pays.
Avec l’accès, dans les années 60 et 70, à l’indépendance des pays africains et l’émergence du Tiers-monde sur la scène internationale, des initiatives associatives, syndicales ou confessionnelles ouvrent la voie à de nouvelles formes de coopération décentralisée axées sur la solidarité et le développement.

Les lois de décentralisation françaises de 1982 jouent un rôle important dans l’essor de la coopération décentralisée : les initiatives se multiplient et la coopération évolue à la fois quantitativement et qualitativement. En effet, les collectivités territoriales ont le droit de nouer des relations avec leurs homologues d’autres pays dans la limite de leurs attributions et sous le contrôle de l’Etat.
La coopération décentralisée se diversifie géographiquement et sectoriellement : aide au développement, appui institutionnel, gestion commune de biens et de services, coopération transfrontalière ou coopération interrégionale. Les partenaires impliqués localement se multiplient également (établissements publics, entreprises, établissement scolaires, associations…).

Aujourd’hui, les collectivités françaises coopèrent dans 141 pays. On compte à ce jour plus de 12 000 projets de coopérations décentralisées qui concernent 4 800 collectivités territoriales françaises et 10 109 collectivités locales partenaires. Les dépenses à l’international des collectivités territoriales sont estimées globalement à 230 millions d’euros.

Le cadre juridique

Le titre IV, « De la coopération décentralisée » de la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, reconnaît juridiquement le droit aux collectivités locales françaises de « conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans la limite de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France ».

La loi Thiollière de 2007, qui conforte et élargit la loi de 1992, fait de l’action internationale une compétence à part entière des collectivités territoriales et permet une grande liberté d’initiative, y compris dans les cas d’urgence.
Cette loi, adoptée à l’unanimité, au Sénat et à l’Assemblée Nationale, dispose que « les collectivités territoriales et leurs regroupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d’aide au développement. Ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers… En outre, si l’urgence le justifie, les collectivités territoriales et leurs regroupements peuvent mettre en oeuvre ou financer des actions à caractère humanitaire ».

L’impact local de l’action à l’international des collectivités locales
La question des impacts et de l’intérêt local de la coopération décentralisée en termes de citoyenneté est une préoccupation partagée par l’ensemble des collectivités locales.
La loi Thiollière a fait de la coopération décentralisée une nouvelle compétence et non plus un mode d’exercice des compétences locales. Ceci met la collectivité à l’abri des recours auprès du tribunal administratif, fondés sur des interprétations restrictives de « l’intérêt local » d’une action internationale [1].

Souvent, les coopérations décentralisées reposent à la fois sur une coopération institutionnelle entre les collectivités et sur l’implication de deux territoires et de leurs acteur.rice.s locaux.ales. Ces derniers sont divers : les services des collectivités, le tissu associatif, les acteurs socio-culturels, les services publics, écoles, universités,
hôpitaux, les acteur.rice.s économiques.
Cette implication de la société civile a un double intérêt : elle élargit l’assise de la politique de coopération internationale au-delà des questions partisanes.

En outre, en favorisant la sensibilisation de ses administré.e.s et l’implication des acteur.rice.s locaux.ales aux enjeux de la coopération internationale, les collectivités territoriales affirment également leur souhait d’être aussi actrices du changement ici et à long terme. Cette association multipartite favorise la mise en mouvement du territoire dont les acteur.rice.s deviennent partie prenante des pratiques et des enjeux de la mondialisation, sous d’autres formes.

Le développement du territoire local ici et là-bas n’en est que plus renforcé par ces pratiques de solidarité.
Aussi, des associations de solidarité internationale mènent des projets sur le terrain, et travaillent aussi à l’information et la formation des citoyen.ne.s afin d’« éveiller leur esprit sur les causes et les effets des inégalités entre pays du Nord et pays du Sud pour qu’ils.elles s’engagent dans la construction d’un monde solidaire et durable ». [2]
Elles ont toute leur place pour faire vivre avec les collectivités leur volonté partagée de changement, pour une action internationale avant tout solidaire.

Atlas français de la coopération décentralisée et des autres actions extérieures
La Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD) met à disposition, depuis 2009, de tous les acteurs de la coopération décentralisée un Atlas français de la coopération décentralisée et des autres actions extérieures. Cet Atlas recense de manière cartographique toutes les actions internationales menées par les collectivités territoriales françaises : coopérations décentralisées (y compris les jumelages) et l’ensemble des actions ponctuelles ou non conventionnées.

Quelques sites ressources :

Action extérieure des collectivités territoriales sur le site de France Diplomatie
www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/action-exterieure-des-collectivites-territoriales/

La définition française de la Coopération Décentralisée sur le site de Resacoop
www.resacoop.org/la-definition-francaise-de-la-cooperation-decentralisee

Cités Unies France, fédération des collectivités territoriale françaises agissant dans le cadre de la coopération décentralisée
www.cites-unies-france.org

Notes

[1Par un arrêt Charbonneau du 18 novembre 2004, le tribunal administratif de Poitiers a annulé deux délibérations du conseil général des Deux-Sèvres, concernant respectivement la construction d’un collège au Burkina-Faso et l’assistance technique à un service d’incendie à MAdagascar, au motif que ces opérations, prévues par une convention de coopération, ne pouvaient être regardées comme « répondant à des besoins de la population deux-sévrienne »

[2Extrait de l’article « La solidarité se pense dans l’espace local », Altermondes, Hors-série n° 8, automne 2009, p 26.