La Chine en Afrique : Pour le meilleur ou pour le pire ?

Introduction

, par AFPICL-BU HDL

La Chine n’est pas une nouvelle venue sur le continent africain. Dans les premiers siècles après J.-C., des explorateurs chinois avaient déjà posé le pied sur le sol africain. Des communautés marchandes chinoises existaient en Afrique de l’Est. A Madagascar, dès 1895, des milliers de travailleurs chinois sous contrat avaient été amenés par l’administration coloniale française pour construire le réseau ferré ou travailler dans les plantations françaises. Mais la montée en puissance spectaculaire de la Chine en Afrique ces dernières années a suscité des controverses sur ses intentions : ce pays est-il un néo-colonisateur avide de matières premières pour maintenir son taux de croissance économique et son potentiel économique sans se soucier des conditions de travail des Africains ou des normes environnementales ? Ou, au contraire, est-ce un véritable partenaire économique de l’Afrique dans le cadre d’échanges Sud-Sud, soucieux du développement des pays africains et du mieux-vivre de leurs populations ? Les points de vue diffèrent sur les motivations des Chinois ainsi que sur l’impact de leur présence sur les économies africaines. Il est important de distinguer ce qui relève des stratégies des gouvernements chinois et ce qui relève des décisions des entrepreneurs qui choisissent, seuls, de s’installer en Afrique. La pluralité des acteurs chinois qui interviennent en Afrique et la diversité des pays africains sont des éléments essentiels à toute analyse sur les relations sino-africaines pour éviter toute globalisation.

Des liens historiques

Au lendemain de la Conférence de Bandung (18 avril 1955), Afrique et Chine se sont retrouvées dans le camp des pays du Tiers-monde. Dans les années 60-70, la Chine a été en compétition idéologique avec l’ex-URSS sur le continent africain. Elle a vendu des armes pour soutenir les luttes armées des pays africains considérés comme amis, tels l’Angola ou la Rhodésie du Sud. Elle a soutenu le développement de leur économie à travers des donations ou des projets de coopération en agriculture, en éducation, en santé, etc. Elle a ainsi érigé une vitrine politique à travers la réalisation de palais présidentiels, de stades, de nouvelles routes, oléoducs et lignes de chemin de fer telle la ligne Tanzanie-Zambie ouverte en 1976, la TANZAM. Les gouvernements africains ont peu à peu établi des relations diplomatiques avec la Chine qui, par la suite, a fait appel à leur soutien au niveau international. Ainsi en 1971, une résolution de l’ONU votée par 76 pays dont 26 africains a reconnu les représentants de la République populaire de Chine comme seul représentant légitime de la Chine à l’ONU au détriment de Taïwan. Après la mort de Mao en 1976, la stratégie diplomatique chinoise est devenue moins idéologique et moins solidaire. La Chine a diminué son aide pour se consacrer à sa propre modernisation et a mis en place à une coopération économique plus pragmatique dans les années 1980. Toutefois, face aux condamnations occidentales des événements de Tiananmen de 1989 et au risque d’isolement, face également à l’augmentation de ses besoins en matières premières et nouveaux marchés, elle a renforcé ses liens avec l’Afrique.

Des relations commerciales privilégiées

La Chine est désormais le premier partenaire commercial de l’Afrique devant les Etats-Unis et l’Union européenne. Les échanges bilatéraux entre la Chine et l’Afrique ont atteint 210 milliards de dollars en 2013 selon les données de la Chambre chinoise de commerce international.

La première caractéristique de ces échanges est la place occupée par les matières premières. La Chine vise à sécuriser son approvisionnement en matières premières pour les années à venir. L’Afrique lui en vend et en retour, achète des produits manufacturés. Cependant ces échanges sont inégaux pour l’Afrique et restent très favorables à la Chine. Les 2/3 des exportations africaines vers la Chine sont des matières premières.

L’Afrique du Sud et l’Angola sont les deux pays africains qui génèrent la moitié des échanges avec la Chine. Viennent ensuite le Soudan, le Nigeria et la Zambie, entre autres.

Les Chinois entretiennent des relations commerciales sur tout le continent africain : Algérie, Egypte, Libye, Soudan, Angola, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Nigeria, etc. Les pays riches en ressources minières comme le Niger ou agroalimentaires comme la Côte d’Ivoire les intéressent. De nombreuses industries manufacturières sont implantées en Ethiopie et le Mozambique attire les Chinois pour ses réserves d’hydrocarbures. Les entreprises chinoises s’installent depuis longtemps dans les pays riches en matières premières de l’Afrique centrale tels que la République démocratique du Congo (cuivre), le Gabon (pétrole, fer), le Tchad (pétrole).

Le commerce sino-africain ne se limite pas aux importations chinoises de minerais et d’hydrocarbures. Des produits africains sont aussi exportés comme l’huile d’arachide du Sénégal, le vin d’Afrique du Sud, l’huile d’olive de Tunisie, le sésame d’Ethiopie, les oranges et le coton d’Egypte, le tabac du Zimbabwe, etc.

La Chine a trouvé en Afrique un marché important pour ses produits manufacturés bon marché tels que les textiles, les chaussures, les biens de consommation et de haute technologie. Dans ce domaine (téléphonie mobile, télécommunications), les entreprises chinoises ont remporté des marchés au détriment des Européens.

L’Afrique, riche de ressources naturelles et surtout de pétrole !

L’Afrique est désormais pour la Chine un vaste marché et un accès aux ressources naturelles et aux énergies indispensables au maintien de sa croissance économique tout comme pour bien des partenaires de l’Afrique (notamment français).

Second consommateur mondial de pétrole derrière les Etats-Unis selon le rapport annuel sur l’énergie de BP (BP Statistical Review of World Energy) [1], la Chine s’impose comme premier importateur de pétrole et de la plupart des matières premières. Rappelons toutefois que le charbon représente 70 % de la consommation chinoise d’énergie avec un impact catastrophique sur l’environnement et la population. Ses besoins croissants en pétrole la conduisent à s’approvisionner sur tous les continents pour moins dépendre du Moyen-Orient qui représente 50% de ses importations (Arabie Saoudite, Iran). Elle importe aujourd’hui 20% de son pétrole d’Afrique. Ses plus gros fournisseurs sont l’Angola, la Libye, le Nigeria et le Soudan qui bénéficient en contrepartie d’investissements chinois importants. Il ne faut pas oublier que la Chine est, pour sa part, le quatrième pays producteur de pétrole. Les énormes investissements des pétroliers chinois leur ont permis d’accroître leurs réserves, mais l’essentiel de leur production est vendu sur les marchés internationaux.

Dans un contexte mondial où la demande croît de plus en plus, la Chine a renforcé ses compagnies pétrolières et a conclu des contrats d’accès préférentiels avec des producteurs d’énergie pour sécuriser son approvisionnement. Ce qui n’est pas sans conséquence sur les marchés mondiaux car cela provoque une hausse des prix. Cependant, l’intérêt pour les pays africains est de trouver en la Chine un partenaire capable d’investir pour améliorer l’exploitation des gisements pétroliers ou de minerais. Les investissements pétroliers ou miniers chinois s’accompagnent d’aides financières aux Etats africains producteurs sous forme d’annulation de dettes, de dons, de prêts à taux réduit ou d’assistance technique et très souvent de construction d’infrastructures. La stratégie chinoise va au-delà d’un simple échange commercial : elle tend à assurer un accès à long terme aux ressources. Par exemple dans le secteur pétrolier, les entreprises chinoises achètent des gisements et investissent dans l’exploration et le transport. De plus, la Chine a investi dans des ports africains (port de Lamu au Kenya, port de Bagamoyo en Tanzanie, etc.) pour assurer l’exportation des matières premières et du pétrole par voie maritime. Enfin, elle a équipé sa marine de guerre pour surveiller la route de ses bateaux.

Les autres importations chinoises sont concentrées sur le minerai de fer (Gabon, Mauritanie), la bauxite (Guinée), le charbon de bois (Afrique du Sud), le niobium, le cobalt, le cuivre (Zambie et République Démocratique du Congo), le bois (Guinée équatoriale) et l’uranium (Niger).