L’accaparement des terres, une nouvelle forme de colonisation ?

L’opacité des montages juridiques, financiers et politiques

, par CIIP

Le statut juridique des terres et des forêts concernées par ces appropriations est très variable, d’autant plus qu’il reflète souvent les particularités de l’histoire locale et les spécificités des droits coutumiers appliqués par les populations traditionnelles dans leurs régions. C’est pourquoi les modalités précises des supports juridiques utilisés par ces appropriations massives sont encore confuses : certaines opérations semblent relever de démarches analogues aux "concessions" accordées par les États colonisateurs à des concessionnaires privés sur des provinces entières des pays colonisés. D’autres sont des transactions portant sur le droit de propriété des terres. D’autres encore se présentent comme des baux emphytéotiques de location des terres à long terme (de 40 à 99 ans).

Cette confusion juridique n’est que le révélateur des véritables moyens utilisés pour réaliser ces appropriations de masse, c’est à dire des pouvoirs de fait que s’arrogent les chefs d’État et leur entourage, appuyés sur l’armée et la police, vis à vis des droits de leur population et en particulier des communautés paysannes vivant sur les terres concernées.

Il faut insister sur la grande difficulté à trouver des informations et des statistiques fiables sur les opérations d’accaparement de terres par les opérateurs financiers. Comme les transactions se négocient et se décident au niveau des chefs d’État, il règne le plus souvent une grande opacité sur le contenu des contrats.

On trouve très peu d’informations sur le statut juridique des terres concernées, la durée prévue de l’occupation et l’utilisation qui en sera faite, moins encore sur le montant des transactions, et pratiquement rien sur le sort réservé aux paysans vivant sur ces terres. Sans parler naturellement des dessous de table conséquents qui doivent convaincre les décideurs de prendre le risque de combattre les résistances des populations victimes de ces pratiques et de violer les droits que leur reconnaissent les conventions internationales signées par leur propre État.