L’évolution de la Chine dans la coopération Sud-Sud

, par SHARMA Pratyush

Ce texte de Pratyush Sharma a été traduit de l’espagnol au français par Maïté de Onaindia, traductrice bénévole pour Ritimo. Retrouvez l’article original sur le site de Red del Tercer Mundo : La evolución de la cooperación Sur-Sur de China

La puissance de la Chine dans la coopération Sud-Sud (CSS), réside dans le fait qu’elle réalise des projets de grande envergure dans divers pays en voie de développement.

L’intérêt de cette coopération est fonction de l’importance, de la rapidité et de la rentabilité des projets. Elle joue un rôle positif dans la promotion de la construction nationale, le développement économique et le progrès social des pays partenaires.

Néanmoins, la conclusion rapide des projets d’infrastructure de la Chine soulève également des problèmes, notamment celui d’une documentation administrative pauvre, voire nulle, ce qui entraîne un manque de transparence, de supervision et de suivi postérieur du projet.

Les médias internationaux dénoncent le fait que la réaction à l’encontre des travailleurs chinois employés par les entreprises chinoises dans les pays en voie de développement, génère des échauffourées avec la population locale, de la corruption et des vols des ressources.

Une autre caractéristique importante de la CSS de la Chine, c’est son caractère inter-gouvernemental et suscité par la demande. Ceci a toutefois fait l’objet d’une réclamation, à savoir que les projets de développement dans les pays partenaires se font sur la demande des élites politiques, plutôt que sur celle de la population en général.

La Chine est consciente de ces accusations. Elle a pris des mesures pour réparer son image et elle compte centrer la CSS dans une optique plus inclusive, par un effort de valorisation sociale pour ses projets d’infrastructure, l’élucidation des résultats et non pas seulement celle du produit.

Les projets chinois n’aspirent pas seulement à créer des postes de travail locaux- le produit- mais ce qui les intéressent c’est aussi la nature des emplois - les résultats- qui sont créés pour les habitants des pays partenaires.

Entre autres résultats, on notera la parité des sexes et la parité salariale de la main d’œuvre, dans la mesure où la gestion sera entre les mains de chinois. La Chine est également plus attentive à la création de formations et à "l’aide directe" - bourses -, elle est plus disposée à travailler avec les organisations de la société civile et elle se concentre sur le développement de petits budgets.

La Chine incite ses entreprises d’État à mener à bien des évaluations d’impact social et environnemental. Elle les pousse à assumer une plus grande responsabilité sociale pour améliorer la transparence de la gestion. Elle est mieux disposée à faire participer des partenaires internationaux qui seraient intéressés par la réalisation de son travail de développement dans les pays du Sud.

On peut citer deux exemples : la coordination qui s’est effectuée entre les travailleurs d’assistance humanitaire chinois et les équipes des organisations humanitaires multilatérales lors de la gestion des séquelles du cyclone Komen, passé par la Birmanie en 2015, et les efforts coordonnés des experts chinois avec leurs homologues français et japonais dans les projets de restauration des temples d’Angkor au Cambodge.

L’égalité et le respect mutuel sont les valeurs fondamentales. Lorsque la Chine offre son aide, elle adhère aux principes de non ingérence dans les affaires internes du pays partenaire, de non conditionnalité - économique et politique - et de respect du droit du partenaire à choisir en toute indépendance son propre chemin et son modèle de développement. Dans le cadre de la CSS et dans la mesure de ses possibilités, la Chine offre son assistance à d’autres pays du Sud, afin de leur apporter son aide et son soutien, notamment aux pays les moins développés, en ce qui concerne la réduction de la pauvreté et l’amélioration de leurs moyens de subsistance.

Par exemple, le projet TAZARA, la liaison ferroviaire entre Dar-es-Salam en Tanzanie et Kapiri en Zambie, a été construit par la Chine à la demande des gouvernants des deux pays, pour une valeur de 500 millions de dollars.

Le projet a été considéré comme non viable par les investisseurs occidentaux lorsque Julius Nyerere (1964-1985), de Tanzanie, est allé les rencontrer pour leur demander de l’aider à réduire la dépendance économique entre la Zambie Rhodésie - l’actuel Zimbabwe - et l’Afrique du Sud, au moyen de cette ligne ferroviaire.

Au sommet du Forum Chine-Afrique de 2015, Pékin a défini cinq piliers de la coopération bilatérale en 10 zones principales. On y trouve, entre autres, la consolidation de la confiance politique, la recherche de la coopération économique par bénéfice mutuel, l’amélioration des échanges, l’apprentissage culturel, l’aide en matière de sécurité, la consolidation de l’unité et la coordination dans les affaires internationales.

Les dix secteurs prioritaires définis pour la coopération sont très divers. Ils comprennent les zones d’industrialisation, la modernisation de l’agriculture, l’infrastructure, les services financiers, le développement écologique, la facilitation des échanges et de l’investissement, la réduction de la pauvreté, la paix et la sécurité.

Les projets chinois, spécialement en Afrique, ont fait l’objet de différentes controverses et ils ont reçu une mauvaise presse, internationale et locale. La Chine a inclus la justice, l’ouverture, l’intégration et le caractère soutenable en tant que nouveaux piliers, et les questions de sécurité et de terrorisme sont les nouveaux secteurs de la CSS.

Pékin a récemment négocié la réconciliation entre le gouvernement d’Afghanistan et le mouvement extrémiste Taliban. Aussi, la coopération triangulaire pour le développement proposée entre la Chine et la France et entre la Chine et la Grande Bretagne, orientée spécifiquement sur le développement de l’ Afrique, est un phénomène inhabituel dont il faudra suivre l’évolution. Cette proposition en particulier a reçu un accueil tiède de la part des gouvernants africains.

Le rôle de plateforme joué par le Réseau d’Investigation pour le Développement International de l’ Université Agricole de Chine acquière également une signification spéciale puisqu’il tente de combler le vide des connaissances grâce à l’échange de savoirs sur le développement international, avec des individus et des personnalités de renom, aussi bien du territoire chinois que de l’extérieur.

Il a pour objectif le développement d’une base de connaissances sur le développement international en Chine afin de faciliter les échanges entre Pékin et la communauté internationale autour du développement. Un forum homologue en Inde sur la Coopération pour le Développement, créé en 2013, a appliqué une posture inclusive semblable

Les points forts de la Chine dans la CSS résident dans le fait qu’elle a instauré des priorités pour aider au paiement et à la réalisation, grâce à la transparence et au suivi postérieur du projet. Le financement des projets d’infrastructure est réalisé principalement par la China Exim Bank. Celle-ci offre également des prêts à des conditions favorables pour la construction de l’infrastructure, ainsi qu’une aide à la commercialisation des produits chinois.

La China Exim Bank applique de plus en plus une méthode d’entreprise - connue sous le nom de "mode Angola" ou de "ressources pour l’infrastructure" - grâce à laquelle le paiement du prêt pour le développement de l’infrastructure est effectué avec des ressources naturelles, par exemple du pétrole.

Les prêts chinois sont offerts en moyenne à un taux d’intérêt de 3,6 pour cent, avec un délai de grâce de quatre ans et une échéance de ce délai à 12 ans. Ceci équivaut en général à un élément don d’environ 36 pour cent, ce qui en fait un prêt dans des conditions favorables conforme aux définitions officielles.

Toutefois, la variation de ces paramètres est considérable selon les pays. Le taux d’intérêt varie de 0,25 pour cent à 6 pour cent, avec un délai de grâce de 2 à 10 ans, une échéance de ce délai de 5 à 25 ans et un élément global de donation de 10 à 70 pour cent . (IPS)