Idées reçues sur les migrations

, par Agenda de la Solidarité Internationale

« L’immigré est d’abord un homme que les autres tiennent pour immigré. » Jean-Paul Sartre, écrivain, philosophe français.

Idée n°1 : « On ne peut pas se laisser envahir par la misère du monde »

Parler d’ « invasion » ou de « misère du monde » à propos des migrants est à la fois faux et injurieux. Faux parce qu’aujourd’hui, seulement 3,2 % de la population mondiale ne réside pas dans son pays de naissance, un taux stabilisé depuis 40 ans (et comparativement plus faible qu’au début du 20e siècle). En France, la proportion d’immigrés représente 11,6 % de la population totale. On est bien loin du « déferlement » de migrants dont nous abreuvent politiques et médias. Il ne faut pas oublier non plus que la majorité des migrations s’effectue encore d’un pays du Sud à un autre pays du Sud. Même s’il est vrai que les migrations du Sud vers les pays occidentaux ont augmenté ces dernières années.

C’est ensuite faux et médisant d’affirmer que seuls les migrants les plus pauvres prennent la route migratoire. En effet, vu les coûts de la migration et les difficultés du processus migratoire et de l’installation dans le pays d’accueil, ce sont généralement les migrants les plus instruits et les plus fortunés qui partent. Ainsi, on compte environ 30 % de l’ensemble des migrants dans l’OCDE diplômés de l’enseignement supérieur.

La libre circulation des personnes est un droit reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Mais la migration est aussi souvent une nécessité du fait des désordres du monde : guerres, violation des droits fondamentaux, pauvreté extrême… Les hommes et les femmes qui migrent affrontent les risques d’un voyage dangereux et les douleurs de l’exil.

En réalité, ces discours jouant sur la peur de l’invasion et sur la misère du monde vivant aux crochets des pays riches servent juste les intérêts des personnes qui prônent la fermeture des frontières et la réduction de toute forme d’immigration légale.

Manifestation pour le droit des migrant-e-s, Lausanne, Suisse, 11 juin 2014. Photo : Gustave Deghilage CC BY-NC-ND 2.0

Idée n°2 : « On ne se sent plus chez nous »

L’identité nationale, ça n’existe pas. Le mot « nation » a d’abord désigné un peuple ayant la même culture, la même langue, la même religion, les mêmes traditions. Après la Révolution, ce qui a créé la nation, c’est la volonté de vivre ensemble et le fait d’être gouverné par le même État. En réalité, cette notion est en constante évolution et vit selon des lois et des valeurs qui se réinventent au cours du temps.
Dans l’histoire, on a observé que des populations, plus fréquemment dans des périodes de crise, se sont senties « menacées » ou ont été « convaincues » de se sentir « menacées » sur leur propre territoire.

Le nationalisme est alors un réflexe de défense ou un ferment de rassemblement. Pour créer de toutes pièces un climat de peur et de menace, on utilise la notion de « communautarisme », un terme utilisé depuis les années 80 pour stigmatiser une population et la renvoyer à une altérité dangereuse pour la France. C’est une rhétorique qui cherche à disqualifier l’étranger en listant pêle-mêle les « menaces » qu’il ferait peser sur les populations de la société d’accueil : viande halal dans les cantines, prières sur la voie publique, créneaux horaires pour les femmes dans les piscines, personnel voilé dans les crèches, etc. Racisme à peine déguisé, cette notion traduit bien la manière dont le débat public s’est structuré en France depuis les années 2000 sur les questions de l’immigration, de l’Islam ou des banlieues.

Pourtant, le communautarisme est une création de toute pièce car les étranger-ère-s n’ont jamais cherché à imposer leurs valeurs ou modes de vie auprès des populations de la société d’accueil. Par exemple, la deuxième religion de France, l’Islam, est pratiqué par une grande majorité de musulman-e-s sans jamais chercher à convertir son voisin.

Rattacher le territoire exclusivement à la population majoritaire (sous entendu : non immigrée) qui l’habite n’a pas plus de sens. Car les migrants ont fait et « font la France » au même titre que la population majoritaire : par leur présence, leurs pratiques et leurs luttes, ils ont été et sont toujours source d’évolution, de vitalité et de créativité.

Que peut-on faire ?