Forum Mondial de l’eau vs Forum alternatif mondial de l’eau

FME : L’eau, un élément critique pour l’établissement d’un Etat palestinien

, par BOUGUERRA Mohamed Larbi

Le mardi 13 mars 2012, au Forum Mondial de l’eau à Marseille, Shadid Attili, Ministre palestinien de l’Eau a présenté la situation dans son pays.

L’orateur s’est félicité de la présence d’experts israéliens dans l’assistance car, dit-il, c’est avec eux que l’on discutera. Il rappelle que la veille avait été traité le dessalement à Gaza. Pour l’orateur, le Jourdain est un fleuve international intéressant cinq pays mais Israël refuse aux Palestiniens l’accès à son eau. Actuellement, les allocations d’eau vont à 90% pour Israël et à 10% aux Palestiniens.

En 2009, d’après la Banque Mondiale, en Cisjordanie, on disposait de 75 m3 d’eau/personne/an contre 125 pour Gaza et 240 pour Israël. M. Attili plaide pour un partage « juste et durable » de la ressource. Il insiste sur le fait que les accords d’Oslo II reconnaissent les droits des Palestiniens sur l’eau dans leur article 40 (Annexe III).

Puis, cartes à l’appui, il montre que le morcellement du territoire en enclaves entourées de colonies israéliennes et de routes réservées aux seuls colons entrave le développement de structures performantes. Il traite ensuite du Joint Water Committee (JWC) – créé par les accords d’Oslo- qui tranche pour toutes les questions relatives à l’alimentation en eau des populations palestiniennes (canalisations, forages, puits…). Cependant, au JWC, les Israéliens ont le dernier mot car ce comité fonctionne sur le mode du consensus, « ce qui revient à donner de facto un pouvoir de veto pour Israël ». De ce fait, plusieurs stations d’épuration programmées par le ministère palestinien de l’eau sont bloquées par les autorités israéliennes. Le Ministre cite le rapport de la Banque Mondiale qui accuse les Israéliens et critique la gestion de l’eau de l’Autorité Palestinienne. Il cite aussi le Rapport d’information n° 4070 rectifié de l’Assemblée Nationale (France) où l’on relève un encadré ainsi intitulé : « L’eau, révélatrice d’un nouvel apartheid au Moyen Orient ».

Il souligne le fait que, depuis les accords d’Oslo, signé à Washington le 13 septembre 1993, la population palestinienne a doublé mais les quantités d’eau n’ont pas varié. Puis, il traite des eaux usées et affirme avec force que si l’assainissement n’est pas au rendez-vous, la nappe commune aux deux populations sera polluée. Ce qui n’est dans l’intérêt de personne, bien évidemment.

Il donne ensuite l’exemple de Naplouse qui n’a obtenu l’autorisation du JWC pour son assainissement que dix ans après l’avoir demandé. Il se plaint du contrôle de la ressource par Israël et des difficultés soulevées par les implantations de colonies affirmant : « Nous parlons dans le désert » quand nous demandons notre juste part car Israël impose un partage inéquitable soulignant au passage que le dessalement ne convient qu’à Israël qui a une façade maritime.

Du reste, note-t-il, le dessalement peut lui fournir la quantité d’eau qu’elle cède aujourd’hui aux Palestiniens sans que cela le gêne. Pour le responsable palestinien, il y a là une solution « gagnant-gagnant » si Israël consentait à cet arrangement. Par contre, souligne le ministre, le dessalement ne peut convenir à la Cisjordanie qui est enclavée et où « l’eau est sous nos pieds », dans les nappes phréatiques. Mais l’exploitation de ces dernières est soumise à l’approbation du JWC, approbation qui est très difficile à obtenir : ainsi, entre 1967 et 1996, seulement 34 permis domestiques ont été accordés aux Palestiniens et trois permis agricoles. C’est pourquoi « les solutions ne peuvent être que politiques » et si le Quartet est sérieux, il nous faut l’eau pour fonder un Etat car pour le moment, « l’eau est l’otage de la politique » conclut le ministre palestinien.

Prend la parole ensuite, M. Rebhi El Sheikh, vice-président de l’Autorité Palestinienne de l’Eau (fondée en 1995) et qui vit à Gaza. Il déplore d’abord que le siège imposé à Gaza n’encourage pas les donateurs à construire et à aider et signale que 1,6 million de personnes vivent, dans ce territoire, au dessous du seuil de pauvreté soit 70% de la population. En 2012, moins de 10% de l’eau de Gaza est potable. De plus, l’exhaure est de 170 millions de m3 par an alors que, pour être soutenable, elle devrait être de 55 millions de m3/an d’où des intrusions d’eau de mer dans les nappes. A noter enfin que les réservoirs d’eau ont été pris pour cible en 2008-2009 par les bombardements.

COMMENTAIRE :

Au cours du débat ayant suivi l’intervention du ministre, les experts israéliens ne voulaient discuter que des chiffres avancés et ont refusé d’entrer dans les considérations politiques mettant en avant de prétendus « vols d’eau » et des questions de maintenance et de gouvernance.

Les Conventions de Genève sur les territoires occupés stipulent que la fourniture d’eau aux populations occupées est du ressort de la puissance occupante. C’est donc à Israël d’assurer l’alimentation en eau des Palestiniens de Cisjordanie.

Le rapport de l’Assemblée Nationale française cité plus haut affirme (page. 131) : « Le problème est que l’eau est devenue au Moyen Orient plus qu’une ressource : c’est une arme. Pour comprendre la nature de cette « arme »au service de ce « nouvel apartheid », il faut savoir, par exemple, que les 450 000 colons israéliens en Cisjordanie utilisent plus d’eau que 2,3 millions de Palestiniens. »