Répondre aux préjugés sur les migrations

Episode 4 : « Ils profitent des aides ! »

, par ritimo

« Entre les migrants qui viennent en France pour profiter de notre système de santé, les immigrés qui “pondent” des enfants chaque année pour vivre des allocations et ceux qui bénéficient de toutes les aides sociales sans jamais payer un seul impôt, ces gens-là ont vraiment tous les droits en France ! Bien plus de droits que les “Français de souche”, qui, eux, travaillent dur, se lèvent tôt et peinent pourtant à joindre les deux bouts. D’ailleurs, les étrangers sont les grands favoris de nos politiques : il n’y a qu’à voir qui est prioritaire dans l’attribution des logements sociaux chez nous ? Toujours les mêmes… » Difficile d’arrêter tante Francette quand elle se lance dans un discours aussi venimeux à l’encontre des migrants. Pourtant, ses certitudes sont fausses : les chiffres disent le contraire.

Plus de devoirs que de droits ?

Pour que les étrangers « fraudent » et « profitent » du système social français, il faudrait déjà qu’ils puissent y accéder. Souvent, c’est un vrai marathon qui s’engage… Pour bénéficier du Revenu de Solidarité Active (RSA), un étranger doit avoir un titre de séjour et une carte de travail depuis au moins cinq ans [1]. Pour toucher le minimum vieillesse, il doit être en France depuis au moins dix ans. Et cela se complique pour les étrangers en situation irrégulière… La majorité des sans-papiers qui travaillent ont des fiches de paie et sont assujettis à l’impôt, aux taxes et aux cotisations sociales, alors qu’ils ne bénéficient d’aucun des droits qui y sont rattachés. Ils n’ont pas l’assurance retraite, pas droit aux allocations chômage et ne peuvent pas prétendre au parc locatif social. Ceux qui finissent par obtenir leur régularisation ne bénéficient pas de ce qu’ils ont versé auparavant.

Les enfants, ça coûte énormément !

L’idée que les migrants ont des flopées d’enfants pour vivre des allocations ne tient pas non plus la route. Chez les femmes nées en dehors de l’Union européenne, vivant en France, le taux de fécondité en 2008 était de 3,1. Pour la même période, ce taux était de 2,01 pour l’ensemble des femmes en France [2]. Cet écart n’est pas aussi significatif qu’on voudrait nous le faire croire. Les familles nombreuses, françaises comme étrangères, touchent des allocations familiales mais quand on compare la valeur de celles-ci avec les coûts liés à l’éducation des enfants, on voit bien qu’élever des enfants coûte plus que cela ne rapporte…

Dans nos HLM

Si les immigrés sont plus présents dans les logements sociaux, c’est surtout à cause de leur situation économique. Le taux de chômage des immigrés nés hors de l’Union européenne est de 20% en 2011 [3] (la moyenne nationale est de 9%) et ils occupent plus souvent les professions à bas revenus : 3 immigrés sur 10 occupent un emploi non qualifié en 2007 [4].

Pourtant, dans la région Île-de-France, plus de la moitié des ménages immigrés (53%) occupent une location privée, malgré les prix élevés des loyers, alors que 20 % à 30 % résident dans un logement social [5]. 6 % des ménages immigrés résident à l’hôtel, occupent une chambre de service ou encore une habitation de fortune dans des conditions insalubres. Toujours selon l’étude de l’INSEE sur l’accès au logement des immigrés à Paris, 12% des immigrés déclarent s’être vu refuser un logement, à l’achat ou à la location, sans raison valable, au cours des cinq dernières années.

Bien souvent aussi, ils se voient refuser l’accès aux logements sociaux : l’argument de l’impératif de « mixité sociale » est utilisé pour ajourner certaines demandes de familles immigrées. Une étude, réalisée en 2001 par le Groupe d’études et de lutte contre les discriminations, apporte la preuve que des critères ethniques et raciaux sont pris en compte dans la sélection des candidats au logement, bien que cela soit interdit par la loi [6].

Se soigner, c’est pas gagné !

La plupart des étrangers vivant en France travaillent et cotisent pour la sécurité sociale. Pourtant, pour les étrangers malades et sans ressources, il est très compliqué d’accéder aux soins : les caisses d’assurance maladie compliquent la délivrance des attestations de leurs droits à l’AME ou la CMU.

Il arrive parfois que des personnes très malades, ne pouvant accéder aux soins dans leur pays, obtiennent la permission de venir se soigner en France où les traitements sont plus accessibles. Depuis 1998, un droit à un titre de séjour existe en France pour ces personnes. Il ne leur offre pas forcément la gratuité des soins (cela dépend de leurs conditions de ressources) mais leur permet d’avoir une couverture sociale. 28 000 personnes étaient dans cette situation en France, en 2008 [7], soit à peine 1 % des étrangers en situation régulière.

En juin 2011, la France a voté une loi qui enfonce le couteau dans la plaie des malades étrangers : désormais, seuls les malades pour lesquels le traitement est « absent » dans le pays d’origine sont protégés contre l’expulsion. Même si beaucoup de traitements sont théoriquement « présents » partout dans le monde, de nombreux malades continuent à ne pas y avoir accès pour des raisons de coût, de quantité et d’accessibilité. Le retour forcé de personnes malades dans leur pays d’origine équivaut, dans certains cas, à une condamnation à mort.

Les bons comptes de l’immigration

Les immigrés ne vident pas les caisses de l’État, comme on voudrait nous le faire croire. Au contraire, ils les remplissent. Ils participent à l’effort de solidarité nationale en versant plus de 60 milliards par an de cotisations sociales, d’impôts et de TVA. En comparaison, les allocations qu’ils touchent s’élèvent à 48 milliards, décomposées de la manière suivante : retraites (16,3 milliards d’euros), prestations de santé (11,5 milliards), allocations familiales (6,7 milliards), allocation chômage (5 milliards), éducation (4,2 milliards), aide aux logements (2,5 milliards) et RMI (1,7 milliard). Soit un solde net de 12 milliards, qui bénéficie directement aux pouvoirs publics.

Ils sont aussi les principaux financeurs du développement. En 2010, ils ont versé 325 milliards de dollars à leur pays d’origine : c’est deux fois et demi le montant global de l’Aide publique au développement pour cette même année.

Les politiques répressives de nos gouvernants en matière d’immigration coûtent aussi très cher au contribuable : le coût moyen d’une expulsion de France est de 26 000 euros. À raison de 30000 expulsions par an, le coût de cette politique atteint… 780 millions d’euros. Créée en 2005, l’agence Frontex, chargée de coordonner les opérations de contrôle aux frontières de l’Union européenne, a vu son budget annuel se multiplier par 15 en 5 ans, pour atteindre 85 millions d’euros en 2013. Elle emploie 220 personnes et reçoit 80 millions d’euros du budget annuel de l’Union européenne.

« Les migrations constituent depuis toujours un fait historique naturel, complexe, certes, mais qui loin d’être une calamité pour les pays de résidence, constituent un apport économique, social et culturel inestimable. »

Charte mondiale des migrants proclamée à Gorée (Sénégal), février 2011.

Pour en savoir plus, lire le Petit guide de survie pour répondre aux préjugés sur les migrations.

Notes

[1Code de l’action sociale et des familles : articles L262-4 à L262-6, 2012.

[2Estimations de population et statistiques de l’état civil, INSEE, 2008.

[3Enquête Emploi en continu, INSEE, 2011.

[4L’activité des immigrés en 2007, INSEE, octobre 2008.

[5L’accès à l’emploi et au logement s’améliore pour les immigrés
à Paris mais les inégalités et les discriminations persistent, INSEE, novembre 2011.

[6Les discriminations raciales et ethniques dans l’accès au logement social, note du Groupe d’études et de lutte contre les discriminations (GELD), n° 3, Paris, GIP GELD-114, 2001.

[7Rapport au Parlement, Les orientations de la politique de l’immigration, décembre 2009.

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Cet article est extrait du Guide "Répondre aux préjugés sur les migrations" publié par ritimo.