Élections municipales, européennes, départementales et régionales 2014-2015 : l’immigration au cœur du débat politique

Elections municipales : l’instrumentalisation revendiquée de l’immigration, …

, par ASIAD , M’BODJE Mamadou

De 1990 à nos jours, le paysage politique français de ces années est hanté par ces trois thèmes. Les banlieues d’abord, nouvelles figures des « classes dangereuses », qui transforment le débat sur l’immigration en un débat sur la ville, l’exclusion, la crise de la citoyenneté et la montée des communautarismes. Très présent sur la scène politique française dans les années 90, ce thème l’est beaucoup moins chez nos voisins européens et contribue à enraciner le débat politique dans une dimension à la fois locale et sociale.

Maîtrise des flux migratoires, banlieues, exclusion

Après les splendeurs et misères des mouvements pour l’égalité et des désillusions du passage au politique chez les leaders associatifs, la banlieue donne une priorité aux débats concrets, valorise les « expériences de terrain » et le travail social. C’est en effet le lieu de toutes les expérimentations relatives aux politiques de la ville (mises en place à l’aube des années 90), mais aussi des plus grandes misères : drogue, délinquance, Islam « dur », violence, morts, avec des amalgames largement médiatisés.

Des peurs collectives se sont fait jour autour de quelques figures sociales : le musulman intégriste, l’exclu, le délinquant dans un imaginaire nourri par un sentiment croissant d’insécurité et d’individualisme, sur fond de chômage.

Le thème de l’exclusion présent dans les débats des années 70 à propos de la résorption des bidonvilles a fait une nouvelle entrée plus remarquée dans le débat public à partir des années 90 car il est le symbole d’une cassure sociale et la fin de la société de classes sur laquelle a fonctionné le débat politique français depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Une société de classes moyennes avec, à ses marges, des exclus, lui aurait ainsi succédé, comportant son lot d’immigrés, noyés dans un débat de société plus vaste et plus consensuel, bien qu’ils servent encore à l’extrême droite de boucs émissaires, à en juger par le programme électoral du candidat du Front National aux présidentielles de 1995.

Quant au thème de la maîtrise des flux migratoires, il fait partie des questions restées sans réponse, à droite comme à gauche. Il a pris une dimension plus géopolitique et s’inscrit dans un débat largement européen : l’Allemagne traversée en 1993 par la réforme du droit d’asile et aujourd’hui par un retour sur le débat concernant l’ouverture de sa nationalité aux résidents de longue date, l’Italie, soucieuse d’afficher une crédibilité face à ses partenaires européens devant l’afflux de l’immigration clandestine, l’Autriche, plus récemment agitée par la xénophobie et confrontée comme l’Allemagne à des flux de l’Est et du Sud dans une Mitteleuropa retrouvée.

De 1990 à 2014, l’angoisse gagne peu à peu les états-majors politiques et les sphères gouvernementales alors que l’on assiste à une montée du populisme en Europe, complètement antinomique avec les valeurs défendues depuis le début par les pères fondateurs.

A la veille des élections municipales et européennes de 2014, les seules questions que se posent les partis politiques et les observateurs, portent sur : quel sera le score du Front National aux municipales ? Quel sera le score des partis d’extrême droite à l’issue du scrutin de mai 2014 ?

Élections municipales, Toulouse, mars 2014. Photo : Metronews.

Rien qu’en France, le parti de Marine Le Pen pourrait obtenir des scores tels que le Front National pourrait devenir selon les spécialistes, même provisoirement, le premier parti de France en terme de voix et de sièges au Parlement européen… Ce titre ne reviendrait-il pas plutôt aux abstentionnistes ?

En Europe, cette montée en puissance des partis anti-européens dont le discours apparaît largement raciste et xénophobe pourrait se traduire par un nombre de sièges très supérieurs à leur force actuelle qui pourrait leur permettre d’avoir un réel pouvoir de nuisance dans l’adoption des « lois européennes ».

On se retrouve comme dans les années précédentes avec un débat autour de l’Islam et du danger du communautarisme. Les radicaux, même s’il ne s’agit que d’une minorité, ne cessent d’étendre des revendications confessionnelles dans la sphère laïque. De la crèche à l’université, des cantines à l’hôpital et à l’entreprise, la polémique gagne. Dans une France en crise, elle exacerbe les tensions et les rejets.

La radicalisation des discours

La campagne est ouverte depuis la fin de l’élection présidentielle en 2012 avec, comme une nouvelle fois, le thème de l’immigration au cœur des débats. Le deuxième semestre a vu la politique migratoire dénoncée : attaques contre le droit du sol, restriction du regroupement familial, haro sur l’espace Schengen.
La droite décomplexée compte des partisans d’une ligne radicale qui prône un durcissement en matière de contrôle de l’immigration et d’accès à la nationalité. Les animateurs de la droite forte et de la droite populaire croient déjà pouvoir se réjouir de voir le parti, avec les courants extrémistes de l’UMP, adopter une de leurs propositions phares : la suppression du droit du sol. Un vieux marqueur du FN.

De nombreux leaders de l’UMP réclament que les enfants nés en France de parents clandestins ne puissent plus profiter du droit du sol en vigueur pour devenir français, s’attaquant ainsi à un des piliers du pacte républicain pour restreindre les conditions d’accès à la nationalité. Pour ce qui concerne les enfants de parents étrangers présents légalement sur le territoire français, François Fillon (UMP, ancien Premier Ministre de Nicolas Sarkozy) et Jean-François Copé (à l’époque président de l’UMP) proposent de mettre fin à l’acquisition automatique de la nationalité française à 18 ans. Quand le FN prône lui, la suppression pure et simple du regroupement familial, l’UMP propose de durcir encore la législation, qui en 2012 a concerné 16500 personnes sur les 86500 entrées légalement en France pour rejoindre leur famille.
Pour le chef de file des députés UMP, Christian Jacob (président du groupe à l’Assemblée nationale), qui ne s’encombre pas de ces nuances, il y a urgence à s’y attaquer « sereinement », alors que l’immigration familiale représente au total 10% des entrées légales en France. Depuis déjà quelques temps, l’UMP prône un renforcement des conditions de résidence, qui passeraient à deux ans de présence légale sur le territoire contre dix huit mois actuellement. Alors que le droit au regroupement familial subit déjà plusieurs restrictions apportées par la droite au pouvoir : la carte de séjour accordée n’est plus automatiquement de dix ans, les conditions d’accueil et de connaissance de la langue ont également été renforcées.

Autant d’initiatives qui visent à faire baisser l’immigration légale. Il faut noter qu’en 2012 un grand nombre de rapprochements de conjoints ou d’enfants de couples (51556) ont eu lieu pour la simple raison que l’un des membres de la famille était français. Ce chiffre est jugé à priori incompressible : il s’agit en effet du droit des nationaux à vivre avec leurs proches.

Schengen et les aides sociales dans les débats

Faire de Schengen un chiffon rouge. Se servir de la libre circulation des personnes comme d’un épouvantail pour dénoncer la politique migratoire européenne. Ce fut longtemps l’apanage du FN, un parti qui refuse toute forme de cadre supranational. Mais désormais à l’UMP, après une dernière présidentielle sous le signe des frontières chères à l’ex conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson, un consensus se dégage pour sonner la charge contre l’espace Schengen. Une cible qui rassemble du très europhile Bruno Le Maire aux souverainistes de la droite populaire. « Il faut complètement réorganiser Schengen et en exclure les pays ne contrôlant pas leurs frontières. Sinon c’est la chaise vide », a soutenu Jean-François Copé, reprenant une posture de campagne inaugurée pendant la présidentielle par Nicolas Sarkozy. Même son de cloche désormais chez Laurent Wauquiez : « Peut-on maintenir un système de frontières qu’on ne peut contrôler ? », affirme l’ex ministre des Affaires européennes.

Alors que le FN surfe allègrement sur la possible entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen le 1er janvier 2014, Copé, Wauquiez et d’autres figures de l’UMP ont ouvertement rejoint ce combat, sur fond de combat rom. Mais si côté FN, au nationalisme originel, il est aisé de promettre une France hors de l’Europe, l’UMP compte encore dans ses rangs des leaders qui se refusent à alimenter le discours europhobe. En 2013, le débat s’accélère pour aborder des thèmes encore plus marquants qui remettent en cause : l’immigration légale, l’aide médicale de l’État et les aides sociales.

La gestion du flux des entrées légales est un des rares sujets de l’immigration sur lequel l’UMP dénonce volontiers la position « irréaliste » du FN. Ce dernier affiche l’objectif de réduire d’environ 20000 aujourd’hui à 10000 le nombre de titres de séjours accordés chaque année. Un volume minime que le FN, au moment où cet objectif a été annoncé, était dans l’incapacité de justifier.

Ne citons qu’un exemple : interrogé sur les dérogations, Marine Le Pen avait concédé sur Rue 89 qu’il n’était évidemment pas question d’interdire à un Français de se marier avec une étrangère et de venir vivre en France : « Vous avez le droit de vous marier avec un Marocain et de vivre en France avec lui. Monsieur Gollnisch (élu FN) s’est marié avec une Japonaise ! Pendant quinze ans Carl Lang, secrétaire général du FN, était marié avec une Suédoise. C’est un choix personnel que nous ne contestons pas. » Problème, ces cas que le FN “ne conteste pas” sont environ 40.000 chaque année… Soit quatre fois plus que son plafond de 10.000 ! L’UMP a donc quelques raisons de moquer le slogan frontière, même s’il est patent qu’en la matière son propre objectif a aussi fondu depuis deux ans. En avril 2011, Claude Guéant annonce qu’il faut passer le nombre d’immigrés légaux annuels de 200.000 environ à 180.000. Un an après, la campagne aidant, Nicolas Sarkozy propose une baisse plus drastique, évoquant 10.000 entrées. Si l’objectif est moins délirant que celui du FN, l’UMP ne se risque plus à détailler la manière d’y parvenir.

Concernant l’Aide Médicale de l’État (AME) qui était encore défendue en mars 2012 par Sarkozy, elle est menacée. Les téléspectateurs de Mots croisés sur France 2, lundi 21 octobre 2013, ont assisté à un échange surréaliste entre le patron des députés UMP Christian Jacob et Marine Le Pen, chacun accusant les parlementaires de l’autre parti d’avoir eu la main molle au moment de sabrer dans l’AME, qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’une couverture maladie de base. Au moins, les choses sont claires : pour les deux partis, l’AME est maintenant une cible. Et l’UMP est entrain de rejoindre à grande vitesse le FN, qui défend depuis belle lurette la suppression du dispositif. Même dans la dernière phrase -très droitière- de sa campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait érigé une digue en affirmant l’importance de l’AME : « Je ne souhaite pas qu’on remette en cause cette générosité française », déclarait-il en mars 2012. L’UMP s’est contenté de faire payer 30 euros aux bénéficiaires de l’aide. Le parti entend désormais aller plus loin. Jean-François Copé défendait depuis un an la suppression de l’AME, « à l’exception des situations d’urgence ». Il est imité par Laurent Wauquiez qui avait jugé dans Valeurs actuelles, le dispositif « profondément choquant ». Christian Jacob a demandé à son tour la transformation de l’AME en AMU (aide médicale urgente). Évidemment, le FN boit du petit-lait : dans un communiqué, la députée FN Marion Maréchal Le Pen notait que son amendement déposé en 2012 -concernant la suppression de l’AME- n’avait pas été voté par l’UMP.

Le minimum vieillesse et le Revenu de Solidarité Active (RSA) sont aussi en ligne de mire. Pour les aides sociales, le FN navigue entre la préférence nationale (les allocations familiales devant être réservées aux français) et le nouveau concept de priorité nationale (les logements sociaux et d’autres aides sociales devant être accordées « en priorité » aux français). Une position très proche de celle de la droite populaire, courant le plus droitier de l’UMP, dont le député et cofondateur Philippe Meunier avait déposé, fin 2011, un amendement (co-signé par 67 de ses collègues UMP) exigeant de réserver le minimum vieillesse aux « français, européens et ressortissants étrangers ayant combattu pour la France ». Le FN s’était alors fait un plaisir de dénoncer « une contrefaçon ».

La direction de l’UMP n’était pas sur ces positions, même si elle exigeait compulsivement le durcissement des règles d’octroi du minimum vieillesse ou du RSA aux étrangers, dans une confusion certaine. C’est Nicolas Sarkozy qui se lance à nouveau pendant la dernière campagne présidentielle, en promettant de faire passer à dix ans la durée de séjour pour qu’un étranger puisse bénéficier du minimum vieillesse… ignorant visiblement que c’était déjà le cas. Jean-François Copé reprend le flambeau, sans plus de rigueur. Il s’était indigné du fait qu’il n’y ait pas de condition de séjour préalable pour l’octroi du RSA aux étrangers… avant de convenir quelques jours plus tard, que la durée exigée était en fait de cinq ans, et qu’il fallait donc urgemment la faire passer à dix ans.

C’est à cette période que l’affaire Léonarda, la lycéenne rom Kosovar âgée de 15 ans, expulsée en octobre 2013 avec sa famille, vient alimenter les débats. On pouvait alors s’étonner de voir les politiques exploiter l’affaire à outrance. A coups de harangues hypocrites et de fausses indignations, ils donnaient chaque jour un peu plus dans la surenchère. Aidés il est vrai par les couacs de l’exécutif, entre l’intervention à la télévision de François Hollande et les divisions évidentes de son parti. On pourrait presque considérer que l’opposition était dans son rôle, depuis la campagne de Nicolas Sarkozy et l’instrumentalisation revendiquée de l’immigration comme outil de conquête d’un électorat marqué à l’extrême.

L’évolution des discours

Profitant de l’affaire Léonarda, la droite radicalisait encore plus son discours sur l’immigration. C’est bien à un nouveau glissement que l’on assistait ; restait à savoir si la gauche se laisserait entraîner sur ce débat là et si la société civile serait capable de dénoncer ces dérives inquiétantes qui fragilisent la notion même d’intégration. En effet, depuis quelques années, une communauté est pointée du doigt et il ne se passe plus un jour sans déclaration fracassante, de droite comme de gauche, sur le dossier des Roms. Manuel Valls, alors Ministre de l’Intérieur, appelant même, le mardi 24 septembre 2013, à leur retour en Roumanie, divisant son camp avec ses propos. Nicolas Sarkozy et son Ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux en avaient fait un des marqueurs de la politique sécuritaire du précédent gouvernement, donnant une large publicité aux évacuations des camps de Roms et à leurs expulsions. Se pose la question sur les choix de Manuel Valls qui réaffirmait avec fermeté que « les Roms ont vocation à rester en Roumanie ou à y retourner ».

Que recouvre exactement le terme de Roms ? L’Union européenne désigne les Roms comme l’ensemble des populations venues du nord de l’Inde au premier millénaire. C’est en Europe de l’Est qu’une grande partie de cette communauté s’est installée, surtout en Roumanie et en Bulgarie. Les Roms y sont, la plupart du temps, laissés en lisière de la société. Ne pouvant ni s’insérer, ni accéder à certaines activités, ils vivent souvent dans des conditions misérables. L’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union européenne en 2007 a ouvert à leurs ressortissants, comme à tous les citoyens européens, une libre circulation dans les autres États membres. Mais au-delà d’un séjour de moins de trois mois, il leur faut justifier de ressources suffisantes pour rester plus longtemps dans le pays d’accueil. Depuis 2010, de nombreux camps illégaux de Roms ont amené les autorités françaises à des reconduites à la frontière en se basant sur le défaut de ressources financières. En décembre 2012, Manuel Valls mettait fin à l’aide financière versée pour un retour volontaire (de 300 euros pour un majeur et à 100 euros pour un mineur), jugée inefficace pour le Ministre de l’Intérieur, estimant qu’elle était plutôt une incitation à de perpétuels allers-retours.

Avec l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen, qui était prévue en principe le 1er janvier 2014, les Roms pourraient circuler plus facilement dans les pays de la zone et auraient la possibilité de s’y installer. En particulier, les barrières limitant leur accès au marché du travail seraient levées. Mais les pays membres freinent cette entrée estimant que leurs frontières ne sont pas assez protégées et que les garanties pour lutter contre la criminalité et la corruption ne sont pas réunies. Dans le champ politique le débat restait de plus en plus vif, la question des Roms devenait le premier grand thème d’affrontement des municipales. Le Ministre de l’Intérieur savait cependant qu’il pouvait compter sur l’appui de très nombreux élus, à gauche comme à droite, confrontés à la présence de Roms le plus souvent illégalement (faute de solutions) sur leurs communes ; même si ces propos avaient provoqué un flot de critiques de la part des associations aux prises avec ce sujet.

A Lyon, ville qui a enregistré depuis plusieurs années un flux important de Roms, le maire PS Gérard Collomb « suit la question avec attention » et approuve la fermeté de manuel Valls. La ville finance un projet de réinsertion à Trinca en Roumanie « pour fixer les Roms dans leur pays d’origine et éviter qu’ils ne reviennent ». Le Maire de Paris Bertrand Delanoë assumait franchement le démantèlement de 18 camps de Roms dans la capitale depuis le début de l’année 2013. « Je n’accepte pas le désordre sur la vie publique. La gauche gère le problème sereinement alors que la droite l’exploite ». Anne Hidalgo, candidate PS aux municipales avait appuyé le ministre de l’Intérieur : « Paris ne peut pas être un campement géant, je soutiens d’ailleurs la politique de Manuel Valls ». Martine Aubry, maire PS de Lille était sortie de son silence tout en reconnaissant qu’il n’y avait « pas d’autre solution que de reconduire les Roms à la frontière », elle avait aussi appelé à « une solidarité nationale pour accueillir les 20000 Roms qui étaient sur le territoire tant que la situation n’était pas réglée en Roumanie et en Bulgarie ». Grand écart ?

La question de l’immigration et de l’intégration relève-t-elle davantage des symptômes que des causes profondes des poussées de fièvre identitaire ? A l’instar des autres démocraties dites “avancées”, la France est-elle confrontée à une mise à l’épreuve de la citoyenneté par l’ethnicisation du monde, ce repli des individus et des groupes sur des solidarités et des valeurs exclusives ? En trouvant des réponses, dissiperons nous ce qui est de l’ordre du fantasme ou de la peur à propos de l’immigration ?

Néanmoins, au moment où le Front national s’empare avec profit d’un discours social ou pseudo-social qui fait forte impression dans les médias, il n’est pas inutile de rappeler que la question de l’immigration est un marqueur qui ne peut pas tromper sur la véritable nature du FN, dont la grande réussite est d’avoir ramené les débats autour de ce sujet.

Il faut à nouveau souligner le fait qu’il s’agit moins en vérité du “problème” de l’immigration que de celui de l’identité de notre population. Car, ne l’oublions pas, les Italiens ont fait l’objet de véritables massacres à Aigues-Mortes (1893, 13 morts) et à Orange. On les accusait évidemment d’être des concurrents économiques, mais aussi d’être plus criminels que la moyenne des habitants. Quant aux Polonais, arrivés dans le Nord et l’Est après 1920, on leur reprochait notamment de constituer un ghetto et de pratiquer un catholicisme baroque… Le fantasme porte donc moins sur l’autre que sur un “nous” d’origine, de “souche” comme on dit, qui n’existe pas. Il renvoie à des contentieux qui ont à voir avec l’histoire coloniale, la situation internationale, l’économie, la question religieuse, etc.

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Bibliographie :

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