Deux idées reçues sur l’information

, par Agenda de la Solidarité Internationale

« Mes lecteurs pris collectivement en savent plus que moi et, à mon grand bénéfice, ils partagent leurs connaissances. »
Dan Gillmore, journaliste américain, We the media, 2004.

Idée reçue n°1 : Les médias participent, avec les politiques, à nous occulter les vérités de l’Histoire

Chaque année, le baromètre de confiance des Français vis-à-vis de leurs médias, publié par TNS-Sofres et le journal La Croix, témoigne d’une perception assez négative. Pour l’année 2015, la moitié des Français a déclaré penser que « les événements ne se sont pas déroulés comme présentés dans les nouvelles à la radio, à la télévision ou dans leurs journaux ». Par ailleurs, 70 % d’entre eux ne font pas confiance aux médias qui diffusent leurs informations sur Internet. Les médias sont également jugés dépendants du pouvoir et de l’argent : l’idée est ainsi répandue qu’ils seraient de mèche avec les politiques pour nous occulter les vérités de l’Histoire. C’est une thèse défendue notamment par celles et ceux qu’on appelle les conspirationnistes. Selon eux, les grands événements ne sont que mensonges et manipulations, ils sont créés de toute pièce pour mieux nous cacher des vérités inavouables. Par exemple, des conspirationnistes ont affirmé après les attentats du 11 septembre 2001 à New York qu’aucun avion ne s’était crashé sur les tours jumelles, que leur destruction avait été orchestrée par les États-Unis eux-mêmes pour faire disparaître des documents « secret-défense » cachés dans les bâtiments. La vision conspirationniste s’appuie généralement sur la désignation d’un ennemi (imaginaire) commun - les États-Unis, les Juifs, les immigrés... Elle est dangereuse car elle annihile tout esprit critique et parce qu’elle trouve un écho certain auprès des populations qui ne trouvent plus dans l’information ou dans l’action politique les clés de compréhension de notre monde contemporain. Internet est par ailleurs un nouveau support qui permet à ces thèses de se propager à grande vitesse.

« Le 11 septembre était un travail interne », théorie conspirationniste qui affirme que les événements du 11 septembre 2001 ont été orchestrés par les États-Unis eux-mêmes. Photo Michael Gil cc by

S’il est vrai que les médias de masse ne nous informent pas toujours correctement, que certains journalistes ne recoupent pas suffisamment leurs sources, qu’ils produisent dans l’urgence ou censurent certains points de vue pour plaire à leurs rédactions, il convient d’être prudent sur la désinformation. Les médias n’orchestrent pas de complots pour sciemment désinformer et la lutte contre les thèses conspirationnistes doit se poursuivre, notamment pour faire reculer les discours xénophobes, sexistes ou haineux qui y souvent propagés.

Idée reçue n°2 : Les citoyens produisent une information qui n’est pas vérifiable

Avec les technologies numériques, de plus en plus de personnes ont la possibilité de produire et de diffuser leur information. C’est une grande opportunité pour les exclus, les minorités, les peuples opprimés, qui avaient non seulement peu accès à l’information mais également un espace d’expression très limité avant l’arrivée d’Internet.

Défense des droits des minorités, guerre contre des systèmes corrompus à petite et grande échelle, luttes contre des projets extractivistes dangereux... sont autant d’exemples de combats qui se font connaître et qui réussissent grâce à la production d’information citoyenne. De nombreuses expériences témoignent ainsi du pouvoir d’agir (« empowerment ») des populations grâce à l’information.
Pourtant, les doutes se sont installés (et parfois à raison) vis-à-vis des informations produites par les citoyens : si tout le monde peut produire de l’information, comment peut-on s’assurer qu’elle est vraie ? Faut-il systématiquement la mettre en doute ? Est-elle moins qualitative qu’une information produite par un professionnel ? Voici les quelques questions que l’on peut se poser quand on cherche à vérifier une information :

  • Cette information est-elle un fait ou un commentaire ?
  • Les faits sont-ils précis et exacts ?
  • Les sources sont-elles nommées, vérifiables et recoupées ?
  • L’information prend-elle en compte une diversité de points de vue ?
  • Y a-t-il absence de partis pris et de conflits d’intérêt ?

La réponse par l’affirmative à la plupart de ces questions signifie que l’émetteur a adopté une posture éthique dans la fabrication de son information.

A contrario, une série d’indices peut aider à déceler une information citoyenne non qualitative ou même mensongère :

  • une information incomplète, tendancieuse ou fausse
  • l’estompement, qui consiste à noyer le fait dans d’autres informations qui n’ont pas de rapport avec lui
  • la surinformation qui met le public en incapacité de déceler ce qui est important et ce qui ne l’est pas
  • la répétitivité, utilisée pour donner une importance démesurée à un fait insignifiant
  • la diabolisation...
  • Si l’on se questionne et que l’on se met soi-même en position de recouper ses sources (c’est-à-dire de trouver plusieurs sources qui témoignent d’une même réalité), il est alors très rare de tomber dans le piège de la désinformation. Souvent issue des réalités du terrain, l’information produite par les citoyens est précieuse pour compléter l’information des journalistes. Elle est vérifiable, comme n’importe quel type d’information.

Que peut-on faire ?

  • Lire le guide « S’informer, décrypter, participer  » de Ritimo :
    www.ritimo.org/5943
  • Consulter le site www.conspiracywatch.info quand on a un doute sur les contenus d’un site Internet
  • Être actif dans sa consommation d’information : utiliser notre droit de réponse face à des infos qui paraissent mensongères ou erronées, faire connaître nos goûts en saisissant les médiateurs des chaînes de télévision, suivre les acteurs qui surveillent les médias...
    www.acrimed.org
    www.arretsurimages.net
  • Produire de l’information sur un blog ou sur un média indépendant, participatif, citoyen.