Nicaragua : un « sandinisme » de compromis

Dégager le pays de l’orbite des Etats-Unis

, par CDATM

Résolument anti-impérialiste, Daniel Ortega continue d’afficher sa position critique vis-à-vis des Etats-Unis. Soutenu par le Venezuela, il cherche une meilleure intégration dans le continent sud-américain et noue des relations commerciales et industrielles diversifiées dans diverses parties du monde.

La situation géopolitique du pays, au centre de la région « Amérique Centrale », en fait un enjeu régional essentiel. Au XIXème siècle, l’intérêt des Etats-Unis était attisé par les projets de canal transocéanique (délaissé ensuite au profit du Panama). Plus tard, au XXème siècle, le « grand voisin du nord » conserve la doctrine Monroe [1]et veut garder le contrôle du Nicaragua qu’il considère comme un rempart contre le communisme, et qu’il utilise pour intervenir dans les pays avoisinants.

En outre, cette position géographique « centrale » du pays en fait un lieu de passage entre le sud du continent (producteur de drogue) et le nord (consommateur), c’est là une source de violence et de corruption, mais aussi, de la part des Etats-Unis, un sujet supplémentaire d’inquiétudes et un prétexte pour conserver des moyens de surveillance.

Depuis 2007, se tournant vers ses voisins du sud, le Nicaragua est membre de l’ALBA, la zone de coopération économique entre plusieurs États d’Amérique latine, créée en 2005, à l’initiative du président du Venezuela, en opposition avec la ZLEA lancée par les Etats-Unis. Outre les liens privilégiés avec le Venezuela, les échanges économiques et culturels avec les autres Etats d’Amérique latine s’intensifient (par exemple, un accord commercial avec le Chili en novembre 2012, une décision, en octobre 2013, d’importer du riz paddy du Brésil et de l’Uruguay, alors qu’il était habituellement acheté aux Etats-Unis).

Le Nicaragua est aussi lié à l’Europe. L’Union européenne est le premier partenaire au développement du Nicaragua. Plus de 30 % de l’aide communautaire destinée à l’Amérique centrale bénéficie à ce pays, qui reçoit une aide publique au développement équivalente à 11,5 % de son PIB.

Récemment, des accords commerciaux ont été conclus avec la Russie (août 2013) et, en novembre 2013, une mission en Allemagne, France et Angleterre avait pour but de promouvoir les investissements directs étrangers.

Mais le Nicaragua a une façade maritime sur le Pacifique et se tourne aussi vers l’Asie. Avec Taïwan, un accord de libre échange (2008) s’est traduit par des augmentations d’exportations (viande et café) et, en 2013, un projet de construction d’un stade de baseball de 30 000 spectateurs est annoncé, requérant un investissement de 30 millions de dollars.

Plus récemment, c’est une société de Hong Kong qui aurait obtenu la construction d’un grand ouvrage. Ravivant le vieux rêve du Grand Canal, le Parlement a adopté (juin 2013) le projet d’un Canal inter-océanique, traversant le pays. Les études de faisabilité sont en cours : rival du Canal de Panama et plus large, il pourrait être utilisé par de plus grands navires. Il comporterait 190 km à travers terre et un trajet de 80 km dans le lac Nicaragua. Ce projet pharaonique suscite de fortes réticences, dans divers milieux, pas seulement écologiques (le lac est une immense réserve d’eau douce).

Notes

[1Du nom d’un ancien président, la « doctrine Monroe » (1823) fixe la diplomatie des Etats-Unis à l’égard de l’Europe et affirme trois principes : le continent américain est fermé à toute tentative de colonisation des puissances européennes ; l’intervention d’une puissance européenne sur le continent américain serait considérée comme une manifestation inamicale à l’égard des Etats-Unis ; en contrepartie, toute intervention américaine dans les affaires européennes serait exclue.