Les conflits oubliés du Soudan

Les conflits dans les régions du Kordofan et du Nil Bleu

, par Forum Réfugiés

Au Kordofan du Sud, le conflit débute en juin 2011 et s’étend à l’État du Nil Bleu en septembre de la même année. Ces régions sont frontalières avec le Soudan du Sud. La rébellion est menée par Mouvement populaire pour la libération du Soudan-Nord (MPLS-Nord), dirigé par des leaders issus du MPLS, le mouvement à l’origine de la guerre civile puis de l’indépendance du Soudan du Sud. Ces régions ont par ailleurs été le théâtre de nombreuses batailles entre les forces armées régulières et la rébellion sudiste au cours de la guerre civile opposant le Nord et le Sud. Le MPLS-Nord ne revendique cependant pas aujourd’hui, en tout cas pas ouvertement, une indépendance ou une autonomie à l’instar du MPLS au Soudan du Sud. Comme au Darfour, la critique de la marginalisation de ces régions, et du régime de Khartoum mené par Omar el-Béchir, animent ce mouvement. Le MPLS-Nord participe d’ailleurs activement à la coalition des groupes rebelles regroupant le JEM et différentes factions de la SLA principalement actifs au Darfour, réunis autour du Front révolutionnaire du Soudan (SRF selon le sigle en anglais).

Avion utilisé par les forces armées soudanaises pour bombarder les populations civiles, village de Tira Mande, Kordofan du Sud, mars 2012. Photo DigitalGlobe cc by-nc-nd

Le Kordofan du Sud est majoritairement peuplé par l’ethnie Nuba, qui regroupe un ensemble de tribus non arabes, pour la plupart chrétiennes ou animistes. La rébellion réclame ainsi que soit respectée la diversité culturelle et religieuse du Soudan. Par ailleurs, les accords de paix de 2005 entre Khartoum et le MPLS prévoyaient des consultations populaires sur l’avenir de ces deux États. Depuis, rien n’a été fait, et les populations Nuba se sentent abandonnées par le Soudan du Sud et sa rébellion.

La population civile victime du conflit entre les rebelles et le gouvernement
Depuis 2011, la population civile est prise entre deux feux. D’une part, elle est accusée par les autorités gouvernementales de soutenir la rébellion. Les forces armées n’hésitent ainsi pas à bombarder régulièrement des zones occupées par des civil·es. De l’autre côté, les rebelles du MPLS-Nord se rendent coupables d’exactions à l’encontre des civil·es, notamment de racket et de recrutement forcé. Selon certains témoignages, les rebelles utilisent les camps de réfugié·es pour recruter de force.
Entre janvier et avril 2015, l’aviation soudanaise procéderait au largage de centaines de bombes dans les zones du Kordofan du Sud contrôlées par le MPLS-N  [1]. Ces opérations coûtent la vie à au moins 35 civil·es, blessent au moins 70 personnes et endommagent de nombreuses infrastructures civiles. Des camps de déplacé·es sont pris pour cibles et une grande partie de la population redoute d’aller travailler ses champs par peur des bombardements. Un tiers de la population du Kordofan du Sud est déplacée et les autorités n’autorisent pas d’assistance humanitaire dans les zones contrôlées par les rebelles du MPLS-N, aggravant davantage la situation de milliers de personnes. En juin 2015, Amnesty International accuse Khartoum d’affamer les populations en intensifiant les bombardements au cours des périodes cruciales pour l’activité agricole. Comme au Darfour, Khartoum semble résolu à vider de sa population les régions contrôlées par les rebelles.

Le 31 août 2020, un accord de paix est signé entre le gouvernement soudanais et le Front révolutionnaire soudanais. Cependant, cet accord n’est pas signé par deux des mouvements du Front révolutionnaire soudanais : l’Armée de libération du Soudan et le Mouvement populaire de libération du Soudan – Nord [2].

Des affrontements interethniques perdurent aujourd’hui dans les régions du Darfour et du Kordofan à cause d’un vide sécuritaire laissé par le coup d’État de 2021 et des disputes territoriales liées à des difficultés d’accès à l’eau [3].