Côte d’Ivoire : Les questions clés de la crise ivoirienne

Introduction

, par CDTM 34

Il n’aura fallu qu’une dizaine d’années pour que le « miracle » ivoirien s’efface comme s’il n’avait été qu’un mirage et se transforme en une crise aux racines profondes. Les causes de cette crise sont complexes et s’entrecroisent à la fois dans l’espace et dans le temps.

Depuis la fin des années 1980, la Côte d’Ivoire connaît de graves difficultés économiques qui ont poussé l’État ivoirien dans les programmes d’ajustements structurels des institutions de Bretton Woods. Cette crise économique, accompagnée d’une augmentation du chômage et d’une baisse du niveau de vie, a provoqué l’émergence de conflits inter-ethniques entre autochtones et immigrés qui se disputent l’exploitation de la terre.

Jusqu’en 1993, ces conflits restent contenus par la main de fer du « Père de la Nation ivoirienne », le président Félix Houphouët-Boigny. Mais la guerre de succession qui suit la mort du chef d’État ivoirien fait ressurgir ces tensions. Elles sont utilisées par les prétendants au pouvoir, à l’image du concept d’« ivoirité » mis au point par Henri Konan Bédié qui a profondément divisé les Ivoiriens. Cette dérive nationaliste, confirmée par la législation sur le domaine foncier rural menée par le même homme, écarte les « non-ivoiriens », près de 26% de la population ivoirienne, de l’accession à la propriété.

A ces problèmes identitaires s’ajoute l’influence des acteurs extérieurs, à commencer par la France, puissance tutélaire de la Côte d’Ivoire, qui a adopté tout au long de la guerre civile une attitude ambiguë, très critiquée par l’ensemble des Ivoiriens, de nombreux Africains et d’autres acteurs internationaux. L’ancien « enfant chéri » de l’Afrique de l’Ouest, a rompu avec le « grand frère » Français qui a fait ressurgir les démons de la colonisation.

La guerre civile en Côte d’Ivoire a également profondément bouleversé la société ivoirienne. Les jeunes Ivoiriens, sans espoir en l’avenir, ont choisi pour un grand nombre des idées radicales, grossissant les rangs des milices rebelles ou loyalistes. Des « seigneurs de guerre » sont devenus le fléau du peuple particulièrement au Nord, coupé des services de l’État par la partition du territoire et en proie à la violence et aux pillages des milices rebelles. Une société ivoirienne souvent stigmatisée par les grands médias internationaux, réduisant la guerre civile en Côte d’Ivoire à un affrontement confessionnel entre un « Nord musulman » et un « Sud chrétien », suivant la mouvance médiatique post 11 septembre 2001. Un amalgame à éviter dans le cas de la Côte d’Ivoire.
En mars 2007, après cinq années de conflit fratricide, le président ivoirien Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, le chef politique des Forces Nouvelles, ex-rebelles, ont fini par se mettre d’accord sur les modalités du retour à la paix.

Nommé premier ministre, Guillaume Soro concrétise ainsi la difficile intégration des rebelles au gouvernement et rouvre le débat sur les problèmes incontournables qui ont alimenté le conflit ouvert depuis le 19 septembre 2002.
Pour autant, les questions clés à l’origine de la crise ivoirienne ne sont pas réglées notamment celle de « l’ivoirité » toujours au cœur des conflits et celle de l’élection présidentielle cinq fois reportée depuis 2005, annoncée pour mai 2010.