OGMs : qui cultive, qu’est-ce qu’on cultive ?

Comprendre l’étiquetage des OGM dans l’alimentation : état des lieux des législations française et européenne

, par Inf'OGM , VERRIERE Pauline

À la suite de nombreux scandales alimentaires, qu’ils aient touché la France ou l’Europe, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter du contenu de leur assiette. La présence éventuelle des organismes génétiquement modifiés (OGM) est l’une de ces préoccupations. Mais il n’est pas toujours simple pour le consommateur de s’y retrouver et d’arriver à comprendre ce qui se cache derrière les étiquettes, quand elle existe. Si l’Union européenne prévoit bien l’obligation d’informer lorsque les produits contiennent des OGM, trop d’exceptions réduisent grandement cette règle. Entre obligations et exceptions, voici quelques explications pour mieux comprendre comment l’information sur les OGM est prise en compte dans l’alimentation.

Les aliments qui contiennent des OGM doivent être étiquetés...

Les produits alimentaires qui contiennent des OGM doivent le préciser sur l’emballage. Il s’agit d’une règle européenne, commune à tous les États membres.
Cette règle admet toutefois une certaine tolérance : en cas de présence « fortuite ou techniquement inévitable » en dessous de 0,9% par ingrédient, il n’est pas obligatoire d’étiqueter le produit. Autrement dit : dès qu’un OGM est introduit volontairement dans un aliment, ce dernier doit être étiqueté quel que soit le niveau de présence de cet OGM. De même, dès qu’un produit contient plus de 0,9% d’OGM par ingrédient, il doit être étiqueté, même si le producteur a fait tout son possible pour éviter cette contamination.

Au sein de l’Union européenne, peu de produits portent effectivement cette mention de présence d’OGM. La Commission européenne dénombre seulement une trentaine de références, principalement importées des États-Unis et d’Asie. Ces produits sont peu présents dans les grandes surfaces, la crainte d’un refus des consommateurs ayant généralisé leur déréférencement.

… mais il existe des exceptions

Face à cette obligation d’étiquetage, il existe pourtant d’importantes exceptions qui diminuent beaucoup les possibilités pour le consommateur de faire un choix éclairé pour son alimentation.

La restauration collective (restaurants scolaires, d’entreprises...) n’a aucune obligation de préciser lorsque des OGM sont éventuellement au menu. Il existe cependant une possibilité en France, pour les gestionnaires, de rendre obligatoire un certain nombre de critères pour leur approvisionnement, comme par exemple l’utilisation de produits labellisés comme les « produits issus de l’agriculture biologique », signes de qualités (AOC, Label rouge...) ou étiquetés "sans OGM", un certificat de non utilisation d’OGM dans l’alimentation des animaux d’élevage, ou encore produits en circuit court... Il est donc possible pour les parents d’élèves, les élus, les convives de se saisir de cette question et de pallier les lacunes de la réglementation européenne !

Il faut toutefois relativiser ce que la réglementation appelle OGM. Il existe en effet plusieurs techniques qui produisent une modification génétique, mais une seule d’entre elles, la transgénèse, entre effectivement dans le champ d’application de la réglementation OGM européenne. Elle seule est donc concernée par l’étiquetage obligatoire. Les citoyens et consommateurs n’ont ainsi aucun droit de regard sur les OGM issus d’autres techniques de transformation du génome (comme la mutagenèse) qui pourraient néanmoins se retrouver dans leurs assiettes...

Autre exception de taille : les produits issus d’animaux (œuf, lait, fromage, viande), quand bien même ceux-ci auraient été nourris avec des OGM toute leur vie durant, ne font l’objet d’aucun étiquetage. Une brèche en terme de transparence dans laquelle s’engouffre l’industrie de l’alimentation : aujourd’hui on estime que près de 70% de l’alimentation animale contient des OGM. 

En matière d’étiquetage des OGM dans l’alimentation, la règlementation européenne est donc plus que lacunaire, et ne permet pas aux consommateurs de pouvoir réellement choisir une alimentation sans OGM et l’agriculture qui va avec. De nombreux consommateurs demandent pourtant plus de transparence en ce qui concerne les OGM, notamment dans l’alimentation animale, un objectif qu’essaye de remplir l’étiquetage "sans OGM". L’UE a en effet laissé la possibilité aux États membres de prendre une réglementation nationale pour définir les contours d’un étiquetage "sans OGM". L’Allemagne, l’Autriche et la France se sont ainsi dotées d’une telle réglementation. Mais depuis 2011, l’Union réfléchit à une harmonisation européenne, avec l’élaboration d’un seul étiquetage "sans OGM" commun à l’ensemble des États membres (elle a lancé à ce sujet une vaste consultation). Compte tenu des réalités du processus législatif européen, cet étiquetage ne verra pas le jour avant plusieurs années. En attendant, les étiquetages nationaux ont encore toute leur pertinence.

Le « sans OGM » français

Depuis juillet 2012 [1], les producteurs français peuvent valoriser leur production en utilisant un étiquetage "sans OGM" lorsque des produits végétaux ne sont pas génétiquement modifiés (GM) ou que les animaux n’ont pas été nourris avec des OGM.

Plusieurs allégations existent. On peut ainsi trouver "sans OGM < à 0,1%" sur les produits végétaux, mais seulement ceux pour lesquels un équivalent GM existe, c’est-à-dire essentiellement le soja ou le maïs. Une boîte sans étiquetage peut signifier qu’il n’existe pas d’équivalent GM (par exemple pour les haricots verts...), que le producteur n’a pas souhaité valoriser sa production comme étant sans OGM ou qu’il ne peut garantir le seuil de 0,1%. Rappelons qu’au-delà de 0,9% de présence d’OGM, le produit doit de toute façon être étiqueté comme contenant des OGM.

Le "sans OGM" concerne également la viande et le poisson : "nourri sans OGM < à 0,1%" ou "nourri sans OGM < à 0,9%". Le lait, les œufs et autres produits transformés peuvent quant à eux arborer "issu d’animaux nourris sans OGM < à 0,1%" ou "issu d’animaux nourris sans OGM < à 0,9%". Pour bénéficier de cet étiquetage, les animaux doivent avoir été nourris « durant toute leur vie » sans OGM, même si la réglementation admet quelques adaptations.

Enfin le miel et les produits issus de l’apiculture peuvent être "sans OGM dans un rayon de 3 km".

Les différents seuils du "sans OGM" français ne doivent pas être considérés comme une autorisation de mettre « un peu » d’OGM dans un produit qui serait affiché comme étant sans. Toute introduction volontaire d’OGM, on l’a vu, exclut de fait la possibilité d’afficher l’étiquetage sans OGM. Au contraire, ces seuils sont une marge de sécurité pour les producteurs : un seuil trop restrictif n’aurait pas pu permettre à une filière sans OGM de voir le jour, puisqu’il est très compliqué, si ce n’est impossible, de garantir l’absence totale d’OGM.

Ces différents étiquetages "sans OGM" que nous venons d’évoquer, peuvent être visibles dans la liste des ingrédients, à la suite de celui ou ceux concerné(s). La mention peut également être située sur le devant de l’emballage lorsque l’ingrédient concerné représente plus de 95% du poids total du produit (hors eau et sel). En pratique, seuls des produits non transformés (comme par exemple de la viande ou du poisson) ou des produits simples (yaourts nature) peuvent se prévaloir de cet étiquetage. Pour les produits composés de nombreux ingrédients, l’étiquetage le plus visible n’est pas autorisé, compte tenu de ce seuil élevé de 95%. Aux consommateurs donc d’avoir l’œil et d’aller décrypter les listes d’ingrédients, même s’il reste peu probable que les industriels de l’agro-alimentaire prennent la peine de mettre du "sans OGM" s’ils ne peuvent pas vraiment communiquer sur cet effort et le rendre visible...

Si les produits sans OGM français sont de plus en plus nombreux, ils restent encore trop peu visibles pour les consommateurs. Les produits "sans OGM" allemands et autrichiens sont certes moins exigeants au niveau de leur cahier des charges (par exemple en terme de durée de l’alimentation OGM durant la vie de l’animal), mais ils ont connu un réel succès : de nombreuses références sont disponibles et plébiscitées. Un succès qui pousse aujourd’hui la filière à se tourner vers le tout "sans OGM" dans l’alimentation animale [2]).

Les autres alternatives pour consommer « sans OGM »

Il existe d’autres labels qui ont exclu les OGM de leur mode de production, y compris en ce qui concerne l’alimentation des animaux. C’est le cas par exemple de l’agriculture biologique. Le cahier des charges, fixé désormais au niveau européen, interdit l’utilisation d’OGM dans les produits et dans l’alimentation animale mais admet une tolérance à hauteur de 0,9% (si cette présence est « fortuite ou techniquement inévitable », bien évidemment). Certains cahiers des charges privés ont décidé d’aller plus loin sur la question en les interdisant totalement : c’est le cas de Bio cohérence, Demeter et Nature & Progrès.

Certains labels de qualité, qui mettent en lien le savoir-faire et l’appartenance à un territoire, ont décidé d’exclure les OGM de l’alimentation animale, comme par exemple certaines Appellations d’Origine Contrôlée ou Protégée (AOC, AOP), Indications Géographiques Protégées (IGP), Labels Rouges... Mais cela relève d’un vrai casse-tête pour le consommateur, car tous ces signes de qualité ne font pas systématiquement cette exclusion. Et ceux qui le prévoient n’en font pas forcément la promotion au travers de l’étiquetage "sans OGM" de peur de noyer le consommateur sous de multiples informations (celles propres à l’AOC, le "sans OGM", et éventuellement d’autres démarches environnementales...). L’institut national de l’origine et de la qualité (INAO), chargé de mettre en œuvre la politique française concernant les signes officiels d’identification de l’origine et de la qualité, ne facilite pas la transparence sur le caractère "sans OGM" de certains des produits dont il a la charge [3]. Il est ainsi nécessaire de consulter le cahier des charges de chaque produit pour savoir ce qu’il en est : pas toujours simple au moment de faire ses courses...

Pour qui veut consommer sans OGM, la tâche est donc loin d’être simple, et c’est entre plusieurs labels que le consommateur devra jongler pour se nourrir comme il l’entend. Cette information est pourtant essentielle parce que c’est aussi par la consommation que les citoyens peuvent faire entendre leur voix et montrer l’agriculture qu’ils souhaitent pour aujourd’hui et à l’avenir. Des règles trop parcellaires d’étiquetage ou l’absence d’étiquetage, c’est nier ce droit des consommateurs à faire un choix.

Notes

[1Décret n°2012-128 du 30 janvier 2012 relatif à l’étiquetage des denrées alimentaires issues de filières qualifiées « sans organismes génétiquement modifiés », entré en vigueur au 1er juillet 2012

[2Avec ou sans OGM, l’étiquetage décrypté – règlementation et détection : enjeux et ambiguïtés. Éric Meunier, Christophe Noisette et Pauline Verrière. Inf’OGM (2012

[3Durant de nombreuses années, et jusqu’en juillet 2013, l’ex président de l’INAO, M. Michel Prugue, était aussi vice-président de Coop de France et président de Maïsadour voir : http://www.infogm.org/spip.php?article5383