Nicaragua : aux origines du grand embrasement

Chronologie sur le Nicaragua

, par CDTM 34

À l’ère précolombienne, le territoire du Nicaragua actuel est habité par plusieurs peuples amérindiens distincts, dont les Niquiranos sur les basses terres de la côte pacifique, les Matagalpas, Lencas et Chontales au centre, et les Miskitos, Sumus et Ramas sur la côte atlantique. Suite à la colonisation au cours du XVIe siècle, le territoire passe sous la domination de l’Espagne, tandis que les populations autochtones sont très largement décimées par la répression militaire, l’esclavage et les maladies. Elles représentent aujourd’hui 5 % de la population du pays.

Jusqu’au XVIIIe siècle, le territoire est géré par le gouvernorat nicaraguayen, rattaché à la Capitainerie du Guatemala. Il constitue alors la principale voie entre le Pacifique et l’Atlantique.

1820 – 1937 : Le premier siècle d’indépendance, du rêve unificateur à l’occupation

1821 : Le Nicaragua devient un État indépendant. Le flibustier étatsunien William Walker, engagé par la ligue des conservateurs dans le cadre de sa lutte contre les libéraux, s’autoproclame président du Nicaragua. Il établit l’esclavage en 1856. Il est fusillé au Honduras par les autorités de ce pays en 1860.

1909 : Les États-Unis offrent un appui politique aux forces rebelles menées par les conservateurs contre le président libéral Zelaya, qui démissionne. Quatre présidents à la solde des États-Unis se succèdent en un an. À la demande du président Adolfo Diaz, les États-Unis envoient leurs troupes en 1912 pour rétablir l’ordre dans le pays. Les marines étatsuniens restent au Nicaragua jusqu’en 1933 (avec une interruption de neuf mois, entre 1926 et 1933), réprimant les soulèvements qui visent la libération du pays.

1927 - 1937 : Le général Augusto Cesar Sandino organise la lutte contre l’occupation étatsunienne. Les États-Unis créent la Garde nationale, dont ils confient le commandement à Anastasio Somoza Garcia qui fait assassiner son adversaire politique Sandino en 1934.
1937 : Coup d’État de la Garde nationale appuyée par les États-Unis ; Anastasio Somoza est nommé président.

1937 - 1979 : Dictature du clan Somoza avec le soutien des États-Unis

La stabilité politique est maintenue grâce à la répression impitoyable et systématique de toute opposition. La famille Somoza édifie un véritable empire économique dans le pays (elle possède un tiers des terres cultivables ainsi que les principales industries).

1956 : Assassinat d’Anastasio Somoza1 ; ses deux fils Luis et Anastasio lui succèdent.

1961 : Formation du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) qui vise à renverser la dictature d’Anastasio Somoza.

1978 : Le Front sandiniste déclenche une insurrection générale qui fédère l’ensemble del’opposition, y compris les classes moyennes et une partie du clergé.

1979 - 1990 : Gouvernement sandiniste

1979 : Somoza, abandonné par les États-Unis, s’enfuit à Miami. Il est assassiné en 1980 au Paraguay. Le FSLN forme un gouvernement de reconstruction nationale.

1981 : Les États-Unis dénoncent la « dictature communiste » des sandinistes, organisent le blocus maritime du pays et soutiennent les « contras », forces d’opposition armées. Une guerre civile sanguinaire commence.

1984 : Daniel Ortega, sandiniste, est élu président de la République avec 67 % des voix. Les États-Unis imposent au Nicaragua un embargo commercial total. La guerre civile gagne en intensité.

1986 : La Cour internationale de justice de La Haye condamne l’embargo général sur le commerce imposé au Nicaragua par les États-Unis.

1987 : Une nouvelle constitution proclame le pluralisme politique, l’économie mixte et le non-alignement ; elle prévoit l’autonomie pour les régions de la côte Atlantique, où les populations miskito revendiquent leurs droits ancestraux.

1988 : Des négociations s’engagent pour mettre fin au conflit armé et faciliter la réinsertion des « contras » dans la vie du pays.

1990 - 2006 : Période néolibérale

1990 : Violeta Chamorro est élue présidente, soutenue par une coalition de quatorze partis de l’opposition (l’Union nationale de l’opposition).

1990-1994 : Le gouvernement de Violeta Chamorro met en œuvre une politique économique libérale supervisée par le FMI et la Banque mondiale. Fin de l’embargo des États-Unis mais remise en cause des progrès sociaux de la période précédente.

1996 : Arnoldo Alemán, candidat du Parti libéral constitutionnaliste (PLC, droite néolibérale), ancien somoziste, est élu président. Un « pacte »2 entre Ortega et Alemán permet un partage du pouvoir à tous les niveaux de l’État et s’applique à l’ensemble des pouvoirs. Le pacte concerne également la réforme de la Loi électorale, abaissant le seuil électoral à 35 %.

2004 : La Banque mondiale efface 80 % de la dette du Nicaragua.

2005 : Signature de l’Accord de libre échange avec les États-Unis.

2006 : Daniel Ortega est élu président avec 38 % des voix.

2007 – 2017 : Nouveaux gouvernements sandinistes

2007 : Daniel Ortega prend ses fonctions pour un mandat de cinq ans.Le Nicaragua entre dans l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique) aux côtés de Cuba, de la Bolivie et du Vénézuela. Le programme de Daniel Ortega reçoit l’aide pétrolière et financière du Vénézuela ; Cuba apporte son aide dans le domaine de la santé.

2011 : Novembre : Réélection à la présidence de Daniel Ortega au premier tour de scrutin avec plus de 62 % des voix à l’issue d’élections dont la légitimité a été mise en doute. Le gouvernement mène une politique d’alliance avec le secteur privé soutenue par les institutions financières internationales. La croissance économique est au rendez-vous mais la fracture sociale se creuse. Le projet de construction d’un canal interocéanique est contesté et donne lieu à un mouvement paysan contestataire.

2016 : Daniel Ortega est réélu avec 72,5 % des suffrages, après avoir fait modifier la constitution pour pouvoir se présenter à un troisième mandat consécutif ; Rosario Murillo, son épouse, est élue vice-présidente (suite à un taux d’abstention exceptionnellement élevé selon certains observateurs indépendants).

2018– 2020 : Crise politique et violences répressives

Dans un contexte de crises économique et sociale et de dérive autocratique, la résistance civile s’organise.

2018
3 avril  : La réserve naturelle de l’Indio Maïz prend feu à cause d’un incendie d’origine humaine non contrôlé. L’inaction des autorités alors que le feu prend de l’ampleur et détruit des centaines d’hectares provoque de fortes réactions ; le gouvernement refuse l’aide qui lui est proposée, notamment par le Costa Rica. Les premières manifestations étudiantes s’organisent, jusqu’à ce que, les 12 et 13 avril, la Jeunesse sandiniste (l’organisation de jeunesse du Front sandiniste de libération nationale) intervienne pour les disperser avec violence.
16 avril : Le président Ortega annonce une réforme de la sécurité sociale.
Avril - juin  : Manifestations contre la réforme de la sécurité sociale suivies de vastes mobilisations de la société civile dans tout le pays. Parmi les opposants, les communautés autochtones manifestent contre l’invasion de leurs territoires par les descendant·es de colons soutenu·es par l’Etat . La répression fait plus de 400 morts, des centaines de blessé·es et de disparu·es et plus de 700 prisonnier·ères politiques.
Premières négociations entre les manifestant·es et le gouvernement à l’initiative de l’Église catholique.
Création de l’Alianza Civica por la Justicia y la Democracia regroupant les forces d’opposition : organisations populaires, partis politiques, associations.
Juillet : Le gouvernement décrète une loi d’amnistie pour les « terroristes » et conditionne le droit de manifester à un accord gouvernemental. La répression brutale par la police et des forces dites paramilitaires continue dans l’ensemble du pays.
Septembre - décembre : Le Centre nicaraguayen des droits humains (CENIDH3) perd son statut juridique. Daniel Ortega expulse du pays la mission du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et la Commission interaméricaine des droits de l’homme.
20 décembre : Le Congrès des États-Unis approuve le « Nica Act », qui conditionne la possibilité du pays à recevoir des aides internationales au rétablissement d’un État de droit et de la démocratie.

2019
Juin : Après de laborieuses négociations entre le gouvernement et l’opposition, libération de plusieurs dizaines de prisonnier·ères politiques, étudiant·es, journalistes, paysan·nes.
Décembre : L’Organisation des États américains (OEA) et le Parlement européen condamnent la dictature du président Ortega.

2020
Janvier : Réunion de la coalition nationale Unidad Nacional Azul y Blanco (UNAB) regroupant les forces d’opposition pour préparer les élections de 2021.
Mars : Décès d’Ernesto Cardenal, ministre de la Culture de 1980 à 1987 et figure historique de la révolution sandiniste.
Avril : La pandémie de COVID19 s’étend au Nicaragua mais le président dissimule les faits et menace le personnel médical qui ne suit pas les consignes officielles.