Les conflits oubliés du Soudan

Chronologie historique du Soudan

, par Forum Réfugiés

Antiquité : la Nubie

IIe millénaire avant J.-C. : des pharaons égyptiens débutent la conquête de la Nubie, territoire correspondant au Nord du Soudan actuel et au Sud de l’Égypte, appelé le « pays de Koush ».

700 avant J.-C. : le royaume de Koush, égyptianisé, conquiert l’Égypte avant de se retirer.

IVe siècle avant J.-C. : les souverains koushites se replient et forment le royaume de Méroé (Centre-Est de l’actuel Soudan). Le royaume de Méroé a perduré sept siècles.

IVe siècle après J.-C. : le royaume d’Aksoum dont la capitale se trouve en Éthiopie actuelle est à son apogée et entreprend la conquête du Nord-Est du Soudan. Trois royaumes soudanais subsistent au Nord : Nobatia, Aloa, et Makouria. Convertis dans un premier temps au christianisme sous l’influence du puissant royaume voisin d’Aksoum, ces royaumes se convertissent au fil des siècles à l’islam sous l’influence égyptienne.

Période des invasions (640-1820)

640 : invasion égyptienne. Les royaumes chrétiens sont isolés du reste du monde chrétien.

XIVe-XVIe siècle : les royaumes chrétiens s’effondrent sous l’influence de l’Égypte au Nord et, au Sud, de la création du sultanat « noir » des Funj islamisé lui-aussi. Ce dernier établit sa capitale à Sennar sur le Nil Bleu et s’étend jusqu’au Kordofan.

XVIIIe siècle : les sultans du Darfour conquièrent le sultanat des Funj.

Période égyptienne (1820-1883)

1821 : l’Égypte de Méhémet-Ali lance des offensives au Soudan. Elle prend rapidement le pas, la répression est féroce. Méhémet-Ali met en place une administration centrale à Khartoum et développe la culture de la canne à sucre et des arbres fruitiers. Les mines d’or sont exploitées.

1849 : mort de Méhémet-Ali. La situation économique se dégrade.

1867 : Ismaïl, petit-fils de Méhémet-Ali, monte sur le trône et fait appel aux Européens pour administrer le pays. Le général britannique Charles Gordon est nommé vice-roi et l’explorateur Samuel Baker administre le Sud.

1879 : le Royaume-Uni et la France contraignent Ismaïl à abdiquer. Un consul général est nommé par l’Empire britannique, Lord Cromer, qui administre le Soudan et l’Égypte.

Période mahdiste (1883-1899)

1881 : Mohammed Ahmad ibn Abd Allah, surnommé Mahdi, devient leader d’une contestation du peuple soudanais contre la domination britannique. Il proclame la guerre sainte et ses guerriers mahdistes mettent en déroute un premier corps expéditionnaire britannique. Le général Gordon est appelé à la rescousse par les Britanniques. Il est tué à Khartoum en 1885 par les « derviches », les soldats mahdistes. Mahdi meurt peu de temps après, sans que la mobilisation mahdiste ne faiblisse.

1898 : les mahdistes sont mis en déroute par le général britannique Kitchener à Omdurman, ville voisine de Khartoum.

Colonisation britannique (1899-1955)

1899 : création d’un condominium anglo-égyptien : ces deux pays administrent le Soudan.

1924 : le gouverneur général du Soudan est assassiné au Caire. Les Britanniques mettent fin au condominium et administre seuls le Soudan.

1936 : l’Égypte devient indépendante, le condominium est rétabli.

Fin de la Seconde Guerre mondiale  : le Soudan obtient l’autonomie. Des partis politiques se créent, dont deux principaux. L’Umma se réclame l’héritière du Mahdi et s’appuie sur la confrérie des Ansar (une secte religieuse islamique), tandis que le parti national unioniste (NUP) défend une vision prônant un rapprochement avec l’Égypte.

Indépendance (1956)

1956, 1er janvier : indépendance du Soudan. Les élites du Nord s’imposent dans la nouvelle administration et reviennent sur leurs promesses d’établissement d’un État fédéral entre le Nord, majoritairement arabe et musulman, et le Sud, majoritairement noir et chrétien ou animiste. Les révoltes éclatent dès la première année d’indépendance.

1958 : coup d’État militaire, l’armée s’empare du pouvoir et le général Ibrahim Aboud interdit les partis politiques. Au Sud se créent le Front de libération et sa branche militaire, l’Anya-Nya.

Alternance de pouvoirs civils et militaires (1964-1989)

1964 : le général Aboud rétablit la démocratie parlementaire et quitte le pouvoir. Les gouvernements de coalition se succèdent.

1969 : le maréchal Djafar al-Nemeyri (ou Nimeiri) prend le pouvoir à la faveur d’un coup d’État et avec le soutien du Parti communiste soudanais et de l’URSS. Il promet l’autonomie du Sud du pays. Les mahdistes de l’Umma et les Frères musulmans rejettent son autorité.

1970 : répression violente d’une révolte des mahdistes.

1971 : l’Union socialiste soudanaise est déclarée parti unique et un référendum proclame Al-Nimeiri président de la République.

1972 : l’accord d’Addis-Abbeba met fin à dix-sept ans de guérilla au Sud qui obtient un statut d’autonomie.

1978 : découverte de pétrole au Sud-Soudan.

1980 : Nimeiri abroge les accords d’Addis-Abeba. Le Sud n’a plus aucune main-mise sur ses ressources naturelles.

1983 : création du Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS) et sa branche armée, l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA). Le maréchal Nimeiri, au pouvoir, fait promulguer une nouvelle législation s’appuyant sur la charia (loi islamique) en échange du soutien des Frères musulmans de Hassan al-Turabi.

1983-1985 : une famine provoque d’importants déplacements de population et fait plus de 200 000 mort·es.

1985 : Nimeiri est renversé par un coup d’État, rétablissant la démocratie parlementaire.

1986 : l’Umma remporte les élections devant le Parti national unioniste (NUP) et le Front national islamique de Hassan al-Turabi.
Sadik al-Mahdi, descendant de Mahdi, devient Premier ministre. Ce dernier entreprend des négociations avec les rebelles sudistes.

Front national islamique et terrorisme (1989-2002)

1989 : coup d’État du général Omar el-Béchir, soutenu par le Front national islamique (FNI), dirigé par Hassan al-Tourabi. Les partis politiques sont interdits.

1992 : création du Front de libération du Darfour par Abdel Wahid-al-Nour.

1992-1994 : des combats opposent différentes factions rebelles sudistes. Le gouvernement central de Khartoum lance des offensives avec le soutien de la Libye et de l’Iran.

1995 : l’Égypte accuse le Soudan d’être impliqué dans une tentative d’assassinat de Hosni Moubarak.

1996 : l’Organisation des Nations unies (ONU) accuse le pays de soutenir le terrorisme. Expulsion du dirigeant islamiste Oussama ben Laden. Des élections permettent à Omar el-Béchir de conserver la tête de l’État, au poste de président. Ces élections sont boycottées par l’opposition.

1997 : Washington décrète un embargo contre le Soudan à la suite d’accusations répétées de soutiens à différents groupes rebelles de la région, dont l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA) en Ouganda.

1998 : création du Congrès national, issu du Front national islamique.

1999 : Khartoum normalise ses relations avec l’Éthiopie et l’Érythrée, qui cesse de soutenir le SPLA.
Décembre : le président el-Béchir dissout le Parlement, présidé par son ancien allié, le dirigeant islamiste Hassan al-Tourabi, afin d’affaiblir cet ancien allié qui gagne en influence et proclame l’état d’urgence. Les partis politiques sont de nouveau autorisés. Hassan al-Tourabi est démis de ses fonctions au Congrès national quelques mois plus tard et crée le Congrès national du peuple.

2000, décembre : el-Béchir est réélu à la présidence lors d’élections une nouvelle fois boycottées par de nombreux mouvements d’opposition.

2001, février : arrestation de Hassan al-Tourabi, accusé de s’être allié au MPLS. Il est placé en résidence surveillée.

2002, janvier : un accord de cessez-le-feu est signé entre Khartoum et la branche nuba [1] du SPLA.

L’indépendance du Soudan du Sud et la crise du Darfour

2003 : Le Front de libération du Darfour s’élargit et recrute des combattants des ethnies Massalit et Zaghawas (ethnies musulmanes « non-arabes ») et se renomme l’Armée de libération du Soudan (SLA). Quelques mois plus tard, le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEP) se crée à son tour avec à sa tête Khalil Ibrahim. Ces deux mouvements sont soutenus par le Tchad. Des affrontements directs commencent avec les forces gouvernementales. En réponse, les autorités soudanaises mobilisent, arment et appuient des milices locales arabes, les janjawids. Le conflit s’envenime rapidement et a des conséquences dramatiques : les janjawids sont accusés des pires exactions et les déplacements de population génèrent une importante crise humanitaire. Malgré cela, la communauté internationale reste passive, dépassée par la situation, et tarde à prendre des mesures nécessaires à la protection des populations.

2004 : l’ONU tente d’organiser des négociations entre les rebelles du Darfour et Khartoum, en vain. L’Union africaine envoie une mission de maintien de la paix. Les cessez-le-feu sont constamment violés et les menaces de sanctions n’ont aucun effet.
Accord sur le partage des ressources liées à l’exploitation du pétrole entre le Sud et le Nord.

2005, 9 janvier : accord de paix. Il marque la fin du conflit qui a causé 2 millions de mort·es et le déplacement de 4,6 millions de personnes, et prévoit l’instauration d’un État fédéral transitoire de six ans suivi d’un référendum d’auto-détermination. L’avenir de la province d’Abyei, revendiquée par le Nord et le Sud, demeure irrésolu dans cet accord et l’est toujours aujourd’hui.
30 juillet : John Garang, leader et fondateur du MPLS, devenu vice-président du Soudan dans le cadre des accords de paix, meurt dans un accident d’hélicoptère, ravivant les tensions.

2007 : Création de la mission conjointe des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour (MINUAD). Avec 27 000 soldats, elle est la mission la plus importante de l’ONU.

2008 mai : la situation est toujours tendue entre le Nord et le Sud, des affrontements font une centaine de mort·es dans la province d’Abyei.

2009, mars : inculpation d’Omar el-Béchir pour crimes de guerre et contre l’humanité (puis de génocide en 2010) par la Cour pénale internationale (CPI). En représailles, treize ONG sont expulsées du pays.

2010 : réélection d’Omar el-Béchir. Au Sud, Salva Kiir est reconduit à la tête de la région semi-autonome au cours d’élections.

2011, janvier : référendum d’auto-détermination au Sud. L’indépendance est réclamée par 99 % des votants.
9 juillet : déclaration d’indépendance du Soudan du Sud.
Novembre : les rebelles du Darfour, du Kordofan et du Nil Bleu se regroupent au sein du Front révolutionnaire du Soudan (SRF). Ils adoptent un programme politique.

2012 : Le Soudan et le Soudan du Sud s’accusent mutuellement de soutenir les mouvements rebelles actifs dans l’un et l’autre État et d’exacerber les tensions inter-communautaires. Le Soudan accuse notamment le Soudan du Sud de soutenir activement le MPLS-Nord, une branche armée issue du MPLS mais qui agit au Soudan actuel. Les autorités de Juba, la capitale du Soudan du Sud, récusent ces accusations. En janvier, le Soudan du Sud stoppe sa production de pétrole en dénonçant les prix exorbitants appliqués par le Soudan pour le transit, le transport et sa transformation.
Juillet : création de la coalition des Forces du Consensus national (NCF) regroupant le parti national Umma (NUP) de Sadik al-Mahdi, le Congrès populaire de Hassan al-Tourabi et le parti communiste soudanais.
Septembre : reprise de la production de pétrole au Soudan du Sud après un accord sur les prix.

2013, janvier : le Front révolutionnaire du Soudan (SRF) et les Forces du Consensus national (NCF) signent une déclaration commune en compagnie d’acteurs de la société civile.

2014, janvier : Omar el-Béchir annonce la tenue d’un « Dialogue national ».
Mai : arrestation de Sadik al-Mahdi.
Décembre : plusieurs responsables politiques et de la société civile signent « l’Appel du Soudan », appelant à des réformes démocratiques et la fin des conflits en cours. Deux militants des droits humains signataires sont arrêtés puis libérés en avril 2015.

2015, avril : réélection, sans surprise, d’Omar el-Béchir.

Fin du régime islamo-militaire d’el-Béchir (2019)

2018 : crise économique et financière.

2019
11 avril : renversement d’el-Béchir par un soulèvement populaire après trente ans de dictature [1]2) ; des violences sexuelles sont commises par des troupes soutenues par el-Béchir. [2]
25 octobre 2021 : l’armée organise un coup d’État. Le gouvernement civil est dissout et l’état d’urgence imposé dans tout le pays.

2023
15 avril : début du conflit entre deux armées adversaires, les Forces armées du Soudan (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR), plongeant le pays dans le chaos.
12 septembre : Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, déplore la mort de centaines de personnes dans des attaques à caractère ethnique menées par les forces paramilitaires de soutien rapide (FSR) et les milices alliées dans l’ouest du Darfour.
Depuis le 15 avril 2023, la guerre civile a fait 5 000 mort·es au moins, a contraint a minima 5,2 millions de personnes à se déplacer et menace la région entière de l’Afrique du Nord.