Burundi : conflits ethniques et violations des droits humains

Chronologie historique du Burundi

, par Forum Réfugiés

Jusqu’au XVe siècle : coexistence de 3 communautés d’origines différentes – les Twas apparentés aux tribus pygmées, les Hutus peuple d’agriculteurs et les Tutsis, pasteurs venus du nord - qui se sont assimilées les unes aux autres avec le temps.

À partir du XVIe siècle : différentes monarchies sont progressivement unifiées. Le Burundi atteint sa plus grande expansion sous le règne du mwami Ntare Rugamba (1796-1850).

Dans le Burundi précolonial, le pouvoir reste aux mains d’une aristocratie tutsie. Les Tutsis et Hutus cohabitent pacifiquement malgré une organisation sociale un peu inégale.

1858 : arrivée des premiers Européens.

1887 : accords de Berlin qui attribuent le Royaume du Burundi ((appelé alors Urundi) à l’Empire allemand.

1921 : après la 1ère Guerre mondiale, la Société des Nations confie à la Belgique le mandat sur le royaume du Burundi et du Rwanda.

1931 : introduction de la carte d’identité mentionnant l’ethnie.
En vingt ans d’évangélisation massive, plus de 70 % des Burundais deviennent catholiques.

1962, 1er juillet : proclamation de l’Indépendance du Burundi dans un climat de conflits ethniques accentués par la crise du Rwanda et la rébellion au Congo belge (Congo-Kinshasa).

De 1965 à 1994, grande instabilité politique. Nombreux assassinats et coups d’État militaires.

Novembre 1966 : le capitaine Michel Micombero prend le pouvoir, proclame la République et se fait nommer président de la 1ère République du Burundi. Il établit un régime militaire dominé par un parti unique l’UPRONA (Union pour le progrès national).

1972 : massacres ciblés contre l’élite hutu ; le Roi déchu Ntare V est assassiné dans des circonstances non élucidées. Les Hutus sont exclus des sphères du pouvoir et de l’administration du pays. Pourtant, les Hutus sont l’ethnie majoritaire du pays 85 %)
9 mars : rétablissement du multipartisme par référendum populaire et création du parti à majorité hutue FRODEBU (Front pour la démocratie au Burundi).

1993 juin : premières élections libres. Melchior Ndadaye, du parti FRODEBU, devient le premier président hutu du Burundi
Octobre : assassinat de Melchior Ndadaye. En représailles, massacres contre les paysans tutsis (des centaines de milliers de victimes et de nombreux réfugiés). Des factions rebelles se créent dont le futur CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces de défense de la démocratie) et les FNL (Forces nationales de libération).

1994, 6 avril : le nouveau président du Burundi Cyprien Ntaryamira, hutu lui aussi, décède dans le même avion que le président rwandais hutu Juvénal Habyarimana. Alors qu’au Rwanda un génocide contre les Tutsis est déclenché, les Tutsis du Burundi, qui contrôlent le pouvoir politique et l’armée dans leur pays, massacrent en représailles des Hutus burundais. Cela évolue vers une guerre civile.

1994 - 1996 : Sylvestre Ntibantunganya, lui aussi issu du FRODEBU, est président de la République.

1998 : début des négociations de paix d’Arusha entre Tutsis et Hutus, sous la médiation de l’ancien président tanzanien Julius Nyerere.

2000 : fin août, les Accords de paix d’Arusha sont signés, consacrant un gouvernement de transition de trois ans pour organiser les élections avec deux présidents, l’un issu du FRODEBU, Domitien Ndayizeye, et l’autre issu de l’UPRONA, le major Pierre Buyoya.

2001 : début du processus de paix avec le CNDD-FDD (Conseil National pour la Défense de la Démocratie/ Force pour la Défense de la Démocratie) dirigé par Pierre Nkurunziza.
Juillet 2003 : le FNL, seule faction rebelle n’ayant pas accepté de participer au processus de paix, lance de violentes attaques sur la capitale Bujumbura et ce, durant trois semaines.

2003, octobre  : les FAB (Forces armées burundaises) fusionnent avec les anciens belligérants du CNDD-FDD, création des FDN (Forces de défense nationale).

2005 : le CNDD-FDD devient un parti politique.
28 février  : adoption par référendum de la nouvelle Constitution.
Mai-juillet : élections communales, législatives, sénatoriales et présidentielles remportées dans tous ces scrutins par le parti CNDD-FDD. Pierre Nkurunziza, ancien chef rebelle devient le nouveau président de la République du Burundi.

2006, 7 septembre : accord de paix signé à Dar-es-Salaam (Tanzanie) entre le gouvernement burundais et les FNL, dernière faction encore en armes.

2009, 16 avril  : nomination au poste de chef d’État major de l’armée de l’ex-rebelle hutu Godefroid Niyombare.
22 mai : Promulgation d’une loi criminalisant l’homosexualité.

2010, 28 juin  : réélection de Pierre Nkurunziza à la présidence de la République – Début de l’impasse politique.

2011, septembre : massacre de Gatumba (exécution dans un bar de 37 personnes considérées comme proches du pouvoir).

2012 : l’Union européenne dénonce les arrestations arbitraires, les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture, mais aussi la corruption et le manque d’indépendance de la justice.

2013, 4 juin  : promulgation d’une loi restreignant la liberté de la presse.

2014, 8 mars : violents affrontements entre la police et des partisans du MSD (Mouvement pour la solidarité et le développement), un des principaux partis d’opposition. Quatre jours plus tard, Alexis Sinduhije, président du MSD et de retour d’exil depuis moins d’un an est inculpé avec 70 autres membres de son parti.
20 mars : les sports collectifs sont interdits dans les rues de Bujumbura afin d’éviter « les soulèvements politiques ».
21 mars : à une voix près, le projet de révision constitutionnel qui aurait permis à Pierre Nkurunziza de se présenter à nouveau en 2015 est abandonné.
27 juin : un émissaire de l’ONU dénonce les atteintes aux libertés, le "harcèlement" de la société civile et les violences politiques dans le pays, ainsi que la hausse des violences liées aux « Imbonerakure », la branche jeunesse du CNDD-FDD. Quelques semaines plus tôt, un rapport des Nations unies accusait le pouvoir d’armer ces jeunes.

2015, 24 avril  : au cours de son Congrès, le CNDD-FDD nomme Pierre Nkurunziza pour le représenter lors des élections présidentielles prévues en mai. L’opposition juge l’initiative de Pierre Nkurunziza de se présenter pour un 3e mandat contraire à la Constitution. Début de la crise politique.
26 avril : manifestations à Bujumbura contre la décision de Nkurunziza de se présenter aux élections. La police tire sur la foule à balles réelles.
6 mai  : l’ONU déplore la fuite de plus de 35 000 réfugié·es burundais·es dans les pays voisins. Les violences liées à la contestation font au moins 14 morts.
13 mai  : à la radio, le général Godefroy Nyombaré annonce la destitution du président Nkurunziza, alors en Tanzanie.
14 mai  : de retour au Burundi, Pierre Nkurunziza nie le coup d’État. Plusieurs membres de l’armée sont arrêtés. Le coup d’État a échoué.
28 juin : élections législatives. Victoire du CNDD-FDD sans réel adversaire.
21 juillet  : élection présidentielle. Pierre Nkurunziza est déclaré vainqueur pour un 3e mandat.
24 octobre : la situation sécuritaire s’aggrave. Le HCDH (Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies) dénonce 198 morts depuis le début de la crise politique, dont des exécutions sommaires de civil·es.
11 décembre : deux camps militaires sont attaqués par des insurgés armés. En représailles, les forces de sécurité se rendent dans les quartiers dits contestataires. L’armée annonce un bilan de plus de 80 morts tandis que la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme) déplore au moins 150 morts et autant de disparus.

2016, 6 janvier : selon le chef des opérations de maintien de la paix des Nations unies, les violences ne cessent d’augmenter et les membres de l’opposition et de la société civile continuent d’être pris pour cible par la police, les services de sécurité et les Imbonerakure (milice des jeunes du parti au pouvoir, le CNDD-FDD).
15 janvier  : l’ONU dénonce l’existence de massacres ethniques, de charniers et de viols collectifs commis par les forces de sécurité.
2 mars : l’Union africaine organise un dialogue entre le président Nkurunziza et l’opposition. Ce dialogue connaît pendant l’année plusieurs tentatives et autant d’échecs.
25 avril : le procureur de la CPI (Cour pénale internationale) ouvre un examen préliminaire afin de déterminer si des crimes relevant de sa compétence ont été commis au Burundi.
20 septembre : publication d’un rapport de l’ONU dénonçant des violences de masse et parlant de graves violations des droits humains, qui constitueraient de « possibles crimes contre l’humanité », commis d’avril 2015 à fin juin 2016.
7 octobre : le Burundi annonce son retrait de la CPI alors même que la communauté internationale dénonce les violences et que le CDH (Conseil des droits de l’homme de l’ONU) décide de mettre en place une Commission internationale d’enquête sur la responsabilité du gouvernement burundais dans de graves crimes. Cette Commission d’enquête est effective le 22 novembre.
Décembre : depuis 2015 et le début de la crise politique qui secoue le Burundi, la Tanzanie voisine a accueilli plus de 110 000 réfugiés burundais.

2017, 3 janvier : la plus ancienne ligue burundaise des droits , ITEKA, a été « définitivement radiée » de la liste des ONG locales autorisées à travailler au Burundi, par ordonnance ministérielle.
Avril : Le HCDH parle d’une campagne de terreur organisée par le pouvoir. Des centaines d’Imbonerakure auraient plusieurs fois chanté des slogans appelant à mettre enceintes des femmes de l’opposition et à tuer les opposants.
Mai : plus de 400 000 Burundais ont fui le pays depuis 2015 selon un décompte du HCDH. La FIDH dresse également le bilan suivant : plus de 2 000 morts, des milliers de personnes torturées, plus de 10 000 en détention arbitraire.
14 et 15 juin : la Commission d’enquête sur le Burundi présente son rapport lors de la 35e Session du CDH à Genève. La Commission fait état d’exécutions extrajudiciaires, d’actes de torture, de violences sexuelles et sexistes, d’arrestations arbitraires, de détentions et disparitions forcées, avec demandes de rançons. Sont pointés du doigt les membres du service national du renseignement et de la police, parfois aidés par les Imbonerakure. Les victimes sont essentiellement les opposant·es au pouvoir en place.
4 septembre : publication du rapport de la Commission d’enquête des Nations unies. Les enquêteurs penchent pour la qualification de ces actes en crimes contre l’humanité et demandent à la CPI d’enquêter sur les responsabilités. Le gouvernement burundais nie en bloc les conclusions du rapport et réaffirme son retrait effectif de la CPI pour octobre.
24 octobre : adoption en Conseil des ministres d’un projet de révision constitutionnelle qui, s’il est validé par référendum, pourrait permettre au président burundais Pierre Nkurunziza de briguer dès 2020 deux nouveaux mandats de sept ans, donc de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034, en opposition à l’accord d’Arusha, signé en 2000, qui interdit à un chef d’État de rester au pouvoir plus de dix ans.
28 novembre : réouverture du dialogue de sortie de crise, sans l’opposition en exil.
4 décembre : selon l’Observatoire national contre la criminalité transnationale, 3 000 Burundai·es sont victimes de trafic d’êtres humains, depuis 2015. 80 % sont des femmes.
8 décembre : clôture du dialogue inter-burundais sur un échec. Les points de divergence portent sur « l’ouverture de l’espace politique, l’identification des prisonniers politiques, le droit souverain de modifier la Constitution ».

2018, mars : nouvelles vagues de violences alors que se prépare le référendum de mai pour valider le projet de révision constitutionnelle ouvrant la voie à deux mandats supplémentaires de Nkurunziza en 2020. Les médias parlent de campagne de terreur pour forcer les Burundai·ses à aller voter en faveur de cet amendement.
22 mai : le oui au référendum pour la révision constitutionnelle l’emporte avec 73,2 % des voix ; l’opposition dépose un recours, estimant que la consultation était non libre et dénonce les intimidations.
7 juin : Pierre Nkurunziza annonce qu’il ne se représentera pas en 2020.
27 juin : la Commission d’enquête de l’ONU sur le Burundi accuse la Ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, d’être la principale responsable des exactions commises durant la campagne pour le référendum constitutionnel de mai.
Octobre : le régime de Nkurunziza suspend les activités des ONG étrangères qui n’appliquent pas la nouvelle loi sur les ONG imposant notamment des quotas ethniques dans leur personnel.
Décembre : Le HCDH qui disposait d’un bureau au Burundi depuis janvier 2015 a été contraint au départ par les autorités burundaises.

2019, 7 janvier : Handicap International annonce l’arrêt de son programme au Burundi, disant refuser de se conformer au fichage ethnique imposé par la nouvelle loi burundaise.

2020, 20 mai  : Élections présidentielles, législatives et communales. Celles-ci se déroulent en l’absence d’observateurs internationaux en raison de la pandémie de la Covid-19.
Election du général Évariste Ndayishimiye, dauphin du président sortant, à la présidence du Burundi, avec 71,5 % des voix. Il était à la tête du CNDD-FDD depuis 2016. L’opposition dénonce une mascarade électorale entachée de nombreuses fraudes et menaces. 9 juin : annonce de la mort du président Nkurunziza.
Retour important de réfugié·es burundai·ses en provenance des pays voisins depuis le second semestre de 2020.

2021, 24 mars : les autorités rwandaises interdisent aux médias burundais en exil de diffuser leurs programmes.

2022, mai : l’ONU dénombre plus de 10 000 personnes déplacées à cause des inondations suite à la perte de leur maison et de leurs moyens de subsistance.

2023, mars : cinq activistes sont incarcérés à la prison centrale de Bujumbura, accusés de collaborer avec Avocats sans frontières qui n’est plus reconnue au Burundi.
Le HCDH se déclare inquiet de « la répression croissante » des voix critiques au Burundi.