Colombie, un peuple pris en otage

Un peu d’histoire de la Colombie

, par CDATM

Au début du 18ème siècle, les territoires comprenant le Panama, le Venezuela et la Colombie sont regroupés par l’Espagne en une seule zone administrative. A partir de 1810, sous la conduite du vénézuélien Simon Bolivar, à la suite d’une guerre de 20 ans, le Venezuela, le Pérou, la Colombie, l’Equateur et la Bolivie vont acquérir leur indépendance vis-à-vis de la Couronne espagnole. Les populations d’origine amérindienne ou africaine qui ont participé à la guerre ne voient guère leur condition d’asservissement modifiée dans les nouveaux Etats.

Naissance douloureuse d’une nation

Dans les années qui ont suivi l’indépendance, deux grands partis politiques, libéraux et conservateurs, s’affrontent avec deux conceptions opposées de l’Etat colombien. Lors d’un intermède dominé par les libéraux entre 1850 et 1880, la tendance démocratique s’affirme avec l’abolition de l’esclavage et de la peine de mort et l’introduction du suffrage universel. En 1899, la guerre des « Mille Jours » due à un différend sur la réforme agraire, écarte les libéraux du pouvoir pour un temps et fait 100 000 morts.
En 1903, le Panama se sépare de la Colombie, à l’instigation des Etats-Unis qui poursuivent le creusement du Canal abandonné par les Français. Des capitaux nord-américains sont investis dans le café et les bananes et dans l’extraction du pétrole. Des conflits sociaux sont sévèrement réprimés par l’armée.

En 1948, éclate une guerre civile « La Violencia » entre les deux partis traditionnels. Elle débute dans les départements producteurs de café. Elle oppose les grands propriétaires soutenus par le parti conservateur et l’armée aux petits producteurs soutenus par le parti libéral. Le détonateur est l’assassinat d’Eliecer Gaitan, maire de Bogota, leader de l’aile gauche du parti libéral et candidat à la présidence, partisan d’une réforme agraire limitant l’emprise des grands propriétaires. Cette guerre dure plus de cinq ans et fait entre 200 000 et 300 000 morts.

Après cette guerre civile, les deux partis concluent un pacte d’alternance de 15 ans pour se partager le pouvoir politique. Mais cette guerre laisse des séquelles : les guérillas et les milices paramilitaires qui seront pendant 21 ans (1968-1989) officialisées en groupes d’appui aux forces de sécurité.

Guérillas, paramilitaires et narcotrafic

Les guérillas les plus actives sont les FARC crées en 1964, opérant surtout dans les zones rurales et l’armée ELN créée en 1965, installée dans les zones industrialisées.

Depuis les années 80, il y a une recrudescence de la violence avec la progression du narcotrafic qui, de plus, alimente les ressources des groupes armés, leur permettant de se développer : les FARC, en prélevant un impôt pour la culture des feuilles de coca et les paramilitaires, en contrôlant la filière d’exportation vers le marché nord-américain. Les paramilitaires liés aux narcotrafiquants ainsi qu’à des grands propriétaires bâtissent des fortunes qui leur confèrent une autonomie inquiétante.

Pour stopper l’escalade de la violence, le Président Betancur (1982-1986) engage des négociations avec la guérilla qui ont un relatif succès avec la démobilisation de guérilléros et la création d’un parti politique, en 1985, l’UP (Union patriotique). Mais il a contre lui l’armée et la coalition des cartels de la drogue soutenus par les paramilitaires. La voix donnée à l’opposition est progressivement étouffée suite à l’assassinat de la presque totalité des élus ou candidats de ce parti à des mandats électifs (municipaux, parlementaires, présidentiels).

Le Plan Colombie

A la suite d’un mouvement national pour la paix, le Président Pastrana élu en 1998, s’engage dans la négociation avec les FARC en leur accordant une zone démilitarisée. En contradiction avec cette ouverture vers la paix, les Etats-Unis décident, fin 1999, d’aider financièrement et militairement le gouvernement à reprendre le contrôle du Sud du pays dans une région contrôlée par la guérilla dans le cadre d’un plan appelé « Plan Colombie ». Les objectifs sont l’éradication des cultures illicites et la lutte contre la guérilla.
Trois ans après, les négociations sont abandonnées et les objectifs du Plan Colombie ne sont pas atteints.

La politique sécuritaire d’Alvaro Uribe

Alvaro Uribe, élu en 2002, est réélu Président, en 2006, après avoir réussi à faire modifier la Constitution pour briguer un second mandat. Ces deux élections voient, pour la première fois, la présence d’un parti d’opposition de gauche, le Pôle démocratique alternatif dont l’avancée est confirmée par la conquête de la mairie de la capitale Bogota par deux candidats de ce parti en 2003 et 2007.

Après le 11 septembre 2001, la lutte contre la guérilla entre dans le cadre de la campagne internationale de guerre contre le terrorisme menée par le président Bush. Le Plan Colombie se poursuit et s’amplifie avec des subventions étatsuniennes, en 2003, pour développer et moderniser les forces armées colombiennes. Contrairement à ce qu’il prétend, le président Uribe est opposé à toute négociation et notamment à tout échange humanitaire entre otages détenus par la guérilla et prisonniers politiques. Il met en pratique sa conception de la « sécurité démocratique » : un grand nombre de civils sont ainsi invités à se mettre au service de l’armée. Les effets de cette militarisation excessive sont très discutables : un peu plus de sécurité, moins de victimes civiles liées directement au conflit, mais par contre plus d’exactions commises par les forces de sécurité et finalement une violence qui reste à un niveau inacceptable.

Une démobilisation des paramilitaires contestée

En 2003, un accord est signé entre le Président et les groupes paramilitaires pour un processus de démobilisation assorti d’un cessez-le-feu. Une loi « Justice et Paix » est adoptée en 2005 pour encadrer le processus. D’après les observateurs internationaux, c’est une loi d’impunité sans garantie pour les victimes. Elle permet la légalisation d’immenses propriétés et de fortunes acquises par la violence et le narcotrafic et la réinsertion de criminels dans les milieux politique et économique. Leurs aveux confirment les liens de ces tueurs avec l’armée, la police et les narcotrafiquants et leur collusion avec des dirigeants politiques. La découverte de nombreux charniers donne l’espoir aux familles de retrouver des traces de disparus.

Mais des groupes de paramilitaires réapparaissent. Leur infiltration des milieux politique et économique ainsi que la poursuite de leurs activités criminelles et mafieuses, en relation avec les narcotrafiquants, continuent d’être un obstacle à une évolution vers un fonctionnement démocratique de la société.