Cameroun : crise démocratique et résistances populaires

Introduction

, par CDTM 34, CITIM

La situation du Cameroun aujourd’hui présente un contraste saisissant : ce pays qui possède un accès à la mer, des terres très fertiles, des gisements miniers, du pétrole est doté de richesses naturelles et humaines remarquables mais il y règne un sentiment général de désarroi et d’insatisfaction, son activité économique est en régression depuis plusieurs années et il semble en panne de gouvernance politique et démocratique

N’Gaoundere, 2011

En dépit de ses richesses agricoles, le Cameroun importe du blé, du riz et du poisson…40 % de la population y vit dans la précarité et la misère : le chômage atteint toutes les classes sociales et notamment les jeunes (35% des 15-30 ans). Quel que soit leur âge, nombreuses sont les personnes sans emploi qui sont contraintes d’accepter des petits boulots de « débrouillardise ». Les inégalités sociales vont en s’aggravant. Dans les villes surtout, mais aussi en zone rurale, les conditions de vie sont chaque année plus difficiles : l’impossibilité d’accéder aux soins, de nourrir sa famille convenablement, la crainte d’être soumis au vol et aux agressions, font partie du quotidien. L’insécurité est générale et les actes de banditisme se multiplient. Au nord du pays, des « coupeurs de route » détroussent les villageois et les voyageurs, quand ils ne les tuent pas.

L’arbitraire policier, la corruption dans tous les secteurs de la vie publique privée ou étatique, l’inaction des responsables politiques ou de l’administration, participent à un sentiment général d’impuissance qui se traduit par une désaffection des Camerounais vis à vis du politique : à peine la moitié des personnes en âge de voter se sont inscrites sur les listes électorales aux dernières élections présidentielles.

Paul Biya, président du Cameroun, au pouvoir depuis trente ans, a été réélu en octobre 2011 pour un 6ème mandat, « dans des conditions acceptables » selon la déclaration du Ministre des Affaires étrangères français, alors que les observateurs internationaux ont émis de nombreuses critiques sur la façon dont se sont passées ces élections.

La communauté internationale et particulièrement la France sont complices de cette situation dans la mesure où depuis des années, elles apportent leur soutien au président camerounais.

Si l’état d’esprit général est à la résignation, nombreux sont les Camerounais qui manifestent leur désir de changement. De plusieurs façons, souvent avec beaucoup de courage : des journalistes, des écrivains, des chanteurs, des rappeurs, des syndicalistes, des juristes dénoncent la corruption, l’impunité des dirigeants, les multiples atteintes aux droits humains, au risque de se retrouver en prison et d’y trouver la mort, comme le journaliste Cirylle Ngota Ngota en avril 2010.

En février 2008, des émeutes ont éclaté dans tout le pays, ayant pour origine la hausse du prix du carburant et la chèreté de la vie. Les autorités ont violemment réprimé ce mouvement populaire : une centaine de morts, des disparitions, des blessés et des emprisonnements sans jugement.

Dans les grandes villes en particulier, se créent des associations de toute nature. Les initiatives se multiplient : associations de quartier, de femmes, de sportifs, d’aide aux migrants, d’épargnants, de membres d’une église… autant de groupes qui aident leurs membres à faire face aux difficultés quotidiennes et alimentent une forme de vie collective organisée et souvent solidaire.

La question est de savoir comment cette contestation et le dynamisme de nombre de femmes et d’hommes, pourront déboucher sur une transformation politique à laquelle les exclus du système aspirent.