Le Nigeria : un pays créatif, inégalitaire et déchiré

Boko Haram ou la stratégie de la terreur

, par CRIDEV

Le conflit armé entre la secte Boko Haram et l’État nigérian aurait fait, depuis 2009, plus de 5000 morts. La secte a été fondée en 2002 dans l’État du Borno (au nord-est du Nigeria), une des régions les plus pauvres et les moins alphabétisées du Nigéria. Le nom Boko Haram signifierait « L’éducation occidentale est un péché ».

En fait, le « crédo » de la secte est l’application stricte de la charia (en vigueur actuellement dans 12 États sur 36). La secte s’attaque donc principalement à l’État laïc, au pluralisme religieux mais aussi aux autorités religieuses islamiques traditionnelles.

Ce mouvement s’inscrit dans un contexte de radicalisation religieuse dans les sectes musulmanes du Nord-Nigéria.

Le climat de corruption des dirigeants politiques, notamment à l’échelon régional, et l’incapacité de l’État à maintenir l’ordre public et à assurer des services de base aux populations renforcent l’audience de la secte. Celle-ci aurait également bénéficié de complicités dans l’appareil d’État ou les forces de police. Néanmoins, l’appel à l’instauration d’un État islamique radical ne rencontre pas l’adhésion majoritaire des populations.

L’assassinat du fondateur Mohammed Yusuf par les forces de police en 2009 a provoqué l’intensification de la violence. Le manque de discernement des forces de police et la brutalité de la répression ont alimenté les rangs de la secte. Le mouvement a pris pour cible les forces de sécurité, les étudiants, les hommes politiques ou les leaders traditionnels. Dans sa stratégie de terreur, la secte utilise les attentats-suicides ou les massacres collectifs (comme en septembre 2013 où 40 étudiants ont été tués dans leur école).

Même si l’action de Boko Haram ne menace pas la stabilité du Nigéria, elle entretient un climat d’insécurité très prononcé dans le Nord-Nigéria. Un état d’urgence a été prononcé dans certains États.

En 2013, l’État nigérian a fini par déployer l’armée de façon conséquente pour essayer de mettre fin aux actions de cette secte considérée comme terroriste et qui bénéficierait du soutien des groupes terroristes actifs dans la région du Sahel. En réaction, la secte a adopté de nouvelles stratégies en s’attaquant massivement aux écoles (plusieurs centaines d’écoles ont dû fermer) et en tuant écoliers et instituteurs.

Tant que l’impopularité de l’État ou des États régionaux sera aussi forte, la frustration sociale et économique risque d’alimenter l’insurrection violente de Boko Haram. Le président nigérian semble décidé à restaurer l’ordre public et à entreprendre des actions de développement économique de ces régions délaissées, tout en laissant la porte ouverte à des pourparlers de paix ou à une politique d’amnistie.

Le 3 janvier 2015, une nouvelle offensive de Boko Haram visant initialement les milices d’autodéfense, fait des centaines (la presse étrangère parle de milliers) de tués dans les villages autour de Baga, dans le nord-est du Nigéria. C’est l’offensive la plus meutrière depuis 2009. Des milliers de personnes ont également été obligées de quitter leurs villages.
Le gouvernement a d’abord nié l’évidence en parlant d’une centaine de tués. La diffusion d’images satellitaires par Amnesty international a néanmoins contraint le président Goodluck Jonathan à reconnaitre l’étendue des massacres et même, à évoquer la possibilité d’une « cinquième colonne », c’est-à-dire l’implication plus ou moins directe de militaires dans les violences.

Le Nigéria est en pleine période électorale. Les présidentielles ont lieu le 14 février. Les partis nigérians viennent d’ailleurs de signer un accord dans lequel ils s’engagent à ne pas utiliser la violence pendant cette période.
Mais il est très difficile d’avoir des informations sur ce qui se passe dans le nord Nigéria vu les restrictions à la liberté de presse au Nigéria (le Nigéria est classé 112 sur 180 dans le classement de la liberté de la presse).