Birmanie-Myanmar : changement rapide… et fragile !

Introduction

, par CRISLA

Depuis trois ans, la situation en Birmanie évolue très rapidement et on peut parler de transition démocratique, malgré le système verrouillé par la Constitution de 2008. Il semble que Aung San Suu Kyi et son parti la LND d’une part et Thien Sen, le nouveau président d’autre part, jouent finement « gagnant-gagnant ». On peut espérer que la « génération 88 », les rescapés de la répression des manifestations étudiantes de 1988, souvent passés par la prison, constituent une force de changement aguerrie. Beaucoup sont devenus journalistes et sont actifs sur les réseaux sociaux. La liberté de la presse, la liberté de manifester (après autorisation), la liberté syndicale sont désormais officielles mais les associations de défense des droits restent très critiques sur ces avancées.

Dans un bus : photos d’Aung Sang Suu Kyi avec son père
Schmitt

Malheureusement ce début de démocratisation ne profite pas aux minorités ethniques et on estime à 50 000 hommes et femmes en armes engagés dans des forces de résistance ethnique, à 390 000 les déplacés et réfugiés aux frontières du pays, tandis que les forces armées (Tatmadaw) comptent 490 000 soldats. Celles-ci se livrent à de multiples exactions et semblent peu contrôlées par le pouvoir central. Les rébellions Kachin (nord) et Karen (sud est) sont particulièrement actives. Les accords de cessez le feu conclu dans l’est (Etat Shan) restent fragiles.
Les communautés ethniques locales luttent pour ne pas voir leurs territoires pillés par la majorité bamar (c’est à dire par l’armée ou quelques conglomérats qui lui sont proches) ou par des compagnies étrangères surtout chinoises ou thaïlandaises. Pour le pouvoir central, pacifier la périphérie, c’est se heurter à de vastes intérêts locaux et transfrontaliers.

Quant aux Rohingyas (musulmans de l’Etat Rakine au nord-est du pays, qualifiés de « bengalis »), ils sont carrément discriminés. Les heurts entre musulmans et bouddhistes ont fait des centaines de morts depuis juin 2012 et le président Thien Sein, ouvert aux négociations avec les autres minorités, estime toujours impossible de les considérer comme birmans.
En mars 2013, les exactions contre les musulmans s’étendent au centre du pays.

Comment renouer avec l’esprit de la « conférence de Panglong » de 1947 qui avait débouché, avant l’indépendance, sur une Constitution fédérale ? La Constitution de 2008 semble bloquer l’éventualité d’un « deuxième Panglong » évoqué par Aung San Suu Kyi.

Malgré cet état de guerre plus ou moins ouverte aux frontières, la Birmanie-Myanmar est devenue très attractive, non seulement pour les touristes, mais surtout pour les affaires ! Le gouvernement a fait le nécessaire pour devenir « fréquentable » et pour sortir d’une relation de dépendance exclusive par rapport à la Chine. Depuis les élections partielles de 2012, le président Thien Sein et l’opposante élue Aung San Suu Kyi ont été accueillis en Europe et aux Etats-Unis et les entreprises comme les ONG se précipitent en Birmanie.

Ce pays est particulièrement riche en ressources naturelles qui sont exploitées aux dépens des populations. La présence de diplomates, d’entreprises et d’ONG poussera-t-elle l’Etat à devenir un véritable Etat de droit ? Les multinationales respecteront-elles leurs responsabilités sociales et environnementales ? Les paysans pourront-ils garder des droits fonciers sur leurs terres face aux intérêts miniers et aux grandes exploitations ?