Malawi : « révolution verte » et souveraineté alimentaire, quel avenir ?

Agriculture familiale au Malawi : repères

, par CRISLA

Une agriculture familiale

Le paysan malawien pratique majoritairement une agriculture familiale de subsistance impliquant plus de 80% de la population du pays.

Si l’agriculture familiale reste prédominante, elle est néanmoins concurrencée par les plus grosses exploitations. Ainsi, à partir d’une surface de 10 hectares, les exploitations agricoles sont considérées comme des entreprises dépassant l’échelle familiale : ce sont les "estates". Enregistrés auprès du gouvernement, ils occupent la moitié des terres arables du Malawi, répartis entre quelques 30000 domaines de 10 à 500 hectares.

De leur côté, les familles produisent pour subvenir à leurs besoins et façonnent le paysage par leurs activités paysannes ; elles sont également la force de travail pour la gestion de l’espace rural, ainsi que les utilisateurs de l’espace naturel et forestier. Tout l’espace est optimisé, chaque bout de terrain a sa fonction, son utilité.

Le paysan malawien ne possède que très peu d’équipements : la houe est le principal outil, aussi, la force de travail est un facteur très important pour la production agricole.

L’agriculture familiale malawienne est fortement rythmée par les saisons

Schéma des récoltes selon les saisons

Les faibles ressources (terres et intrantsagricoles) ne permettent souvent pas de produire assez pour subvenir aux besoins de la famille. Lorsqu’il n’y a plus de maïs, les paysans font face à la « soudure » alimentaire, entre novembre et mars. L’alimentation change et s’adapte à la situation de pénurie. L’agriculture pratiquée répond également aux contraintes de cette situation.

Maïs et diversité des cultures associées

L’agriculture malawienne était dominée par le millet et le sorgho jusqu’au XVI° siècle lorsque les portugais commencèrent à introduire progressivement le maïs, originaire d’Amérique. Aujourd’hui, le maïs constitue au Malawi la principale nourriture de base alors que le tabac représente la principale culture de rente.
Outre le maïs, les autres cultures de base sont le manioc, le riz, le sorgho, le millet, la patate douce et la pomme de terre, auxquelles il faut associer les légumineuses.
Outre le tabac, les autres cultures de rentes sont pour l’essentiel le thé, le sucre, le coton et les arachides, puis dans une moindre mesure le café, le tournesol et les légumineuses (soja…).
Outre le poisson, les sources de protéines sont constituées par les légumineuses et l’élevage. Les légumineuses se partagent entre haricots, pois d’Angole, cornille (pois à vache), arachide, « ground bean » et soja.
Dans un contexte de forte densité de population (particulièrement au sud du pays), la compétition sur les terres pousse les agriculteurs à rechercher les meilleurs moyens de subsistance. Les paysans en manque de terre ne disposant que d’une petite surface multiplient les associations culturales, comprenant au moins quatre cultures et jusqu’à neuf dans certaines parcelles.
L’élevage, pratiqué par 54% des familles concerne pour l’essentiel les poulets (49%), les chèvres (29%), les cochons (9%), les vaches (6%) et les moutons (2%).
Les principaux fruits, très présents dans l’alimentation des malawiens, sont les bananes, les papayes, les mangues, les avocats et les oranges.

Pêche et aquaculture

Les lacs et rivières au Malawi occupent 20% de la surface totale du pays. De 500 à 1000 espèces de poissons sont recensées dans les eaux malawiennes. Le poisson constitue de 60 à 70% de l’apport protéique des malawiens.

Depuis les années 2000, les captures plafonnent entre 40000 et 50000 tonnes par an contre un pic à 85000 tonnes dans les années 1970, illustrant ainsi une situation de surpêche.

Les pêches sont concentrées sur les lac Malawi, Malombe, Chiuta et Chilwa ainsi que sur la rivière Shire. Il s’agit de pêche artisanale à plus de 85% au moyen de barques ou pirogues à propulsion généralement manuelle. Le poisson pêché est principalement conservé par séchage/fumage.

Par ailleurs, l’aquaculture s’est énormément développée depuis le début des années 2000.

Insécurité alimentaire

Le paysan reste très dépendant de la prépondérance de la culture du maïs pluvial (cultivé lors de l’unique saison des pluies annuelle) par rapport au maïs irrigué. La diminution de la fertilité des sols du fait de l’utilisation d’engrais inorganiques, la déforestation et la diminution de la propriété foncière (en moyenne moins de 0,5 ha de surface agricole par famille) expliquent en partie que la population souffre d’un degré élevé d’insécurité alimentaire.

Le tabac, culture de rente

Le Malawi est un pays exportateur de tabac. Cette culture représente la plus grande part de la valeur des exportations du pays (67% en 2005 selon le National Statistical Office).

Le Malawi était le 7ème producteur mondial en 2007, après la Chine, le Brésil, l’Inde, les Etats-Unis, l’Argentine et l’Indonésie. Au regard de la taille du pays ce résultat impressionnant peut être expliqué par le fait que le Malawi combine un système de production à la fois industriel (sur de grandes plantations) et familial (ce dernier mode étant assez récent depuis la libéralisation des années 1990).

Pour autant, le tabac n’est que très peu transformé au Malawi, ce qui prive ce dernier d’une valorisation substantielle des recettes (ces recettes complémentaires étant captées par les grosses compagnies tabatières transnationales).

Autres cultures d’exportation

Outre le tabac, les principales autres cultures d’exportation concernent en ordre d’importance le thé (13%), le sucre (12%), le coton (4%), les arachides (3%), les légumineuses (<1%), le café (<1%) et le riz (<1%). L’exportation du maïs est quant à elle très fluctuante, fonction de la présence d’excédent par rapport à la consommation intérieure.

Contrairement au tabac, le thé et le sucre pour l’exportation sont produits essentiellement par de grosses exploitations. Ces grandes plantations monopolisent de larges de surfaces de terres cultivables notamment dans le sud du pays et possèdent des installations de raffinage localement.

Une agriculture très dépendante des aléas météorologiques

L’agriculture au Malawi est très peu mécanisée et la pratique de l’irrigation reste marginale, en particulier pour les céréales. En effet, en saison sèche l’irrigation n’est possible que le long des principaux fleuves, les petits cours d’eau étant complètement asséchés. Cette situation limite ainsi fortement les surfaces irrigables avec les moyens dont disposent les paysans malawiens. La culture du maïs est ainsi essentiellement dépendante de la saison pluviale de novembre à mars et les paysans sont fréquemment confrontés à des épisodes d’inondations et de sécheresses.

La gestion de la ressource sylvicole

Le paysan malawien pratique majoritairement le brûlage des résidus de cultures de la saison précédente avant de préparer le champ pour la nouvelle saison. Cette pratique est notamment liée au fait que les paysans n’ont pas le temps d’enfouir les résidus de culture à temps pour qu’ils se décomposent (en effet, d’une part les légumineuses en culture associées restent longtemps dans les champs après la récolte du maïs et d’autre part la main d’œuvre n’est pas suffisante pour ce surcroît de travail).

Lors des brûlis, les feux ne sont pas toujours maîtrisés Les incendies de brousse sont ainsi généralisés en saison sèche et participent activement à la déforestation.
L’exploitation du bois répond à plusieurs usages au Malawi avec en particulier :
 le bois de cuisson (photo) ;
 l’éclairage ;
 la fabrication de charbon de bois (photo) ;
 le séchage/fumage du poisson ;
 la fabrication de meubles ;
 la cuisson des briques pour l’autoconstruction (photo) ;
 le bois de charpente également pour l’autoconstruction (photo).

Même en zone urbaine, l’usage du bois ou charbon de bois pour la cuisson dépasse les 50%.
Le taux de déforestation au Malawi est l’un des plus importants d’Afrique et les conséquences en termes d’érosion et de perte des sols arables sont très importantes.
Face à cette dégradation importante des ressources forestières, la réduction de la consommation de bois et la bonne gestion des espaces forestiers communautaires sont les piliers de la protection de l’environnement naturel.

La gestion de la fertilité des sols, un problème majeur

Pour les agriculteurs malawiens, la fertilité des sols est un enjeu majeur. Outre l’impossibilité de pratiquer la rotation des cultures du fait du manque de terre, la déforestation accentue l’érosion et la dégradation des terres arables.
Pour les petites exploitations malawiennes, sans animaux, sans outils mécanisés, et sans moyen de transport, avec un manque de force de travail, il est extrêmement difficile de faire face à ce problème.

En outre, les paysans n’ont pas assez d’argent pour acheter des engrais minéraux. Le gouvernement appuie donc ces familles par un système de coupons afin de fournir les intrantsnécessaires. C’est ainsi que le Malawi a atteint depuis deux ans des excédents de maïs. Son système de subvention aux engrais est assez critiqué, mais il est aussi reconnu efficace pour répondre au problème urgent de sécurité alimentaire. Le désavantage de ce système concerne sa durabilité à long terme, et son impact sur l’environnement, en particulier sur les sols.

Parmi les réponses apportées par les paysans malawiens, la pratique des cultures associées entre céréales et légumineuses est essentielle. Les légumineuses (pois d’Angole, arachides, soja…) fixent l’azote de l’air et le transforment en azote minéral assimilable par les plantes, permettant ainsi d’apporter de l’« engrais » naturel pour la culture en cours ou la culture suivante.

L’agroforesterie constitue par ailleurs un des axes alternatifs pour le maintien et l’amélioration de la fertilité des sols.