C’est le capitalisme, imbécile

, par Rebelión , ROBLES Gustavo

Cet article traduit par ritimo reflète, dans le ton et les termes utilisés, les réflexions de tout un pan des mouvements sociaux latino-américains. Nous estimons qu’il est important de pouvoir les lire dans les termes dans lesquels ils et elles posent le débat.

Le monde brûle. Plus exactement, le monde capitaliste brûle. Là où le système perfide qui intronise les intérêts des riches, des puissants, des exploiteurs de la planète s’est installé, le monde brûle. Et il s’est installé sur tout le globe, car le capitalisme gouverne et conditionne l’ensemble des relations humaines de la civilisation.

L’Équateur brûle, présidé par un mercenaire traître à son peuple comme Moreno (j’ai du mal à l’appeler Lenin), un cipaye traîné jusqu’aux desseins de l’Empire, du FMI et du système financier mondial.

Le Chili brûle, l’exemple de l’impérialisme et de la droite cipaye latino-américaine, le joujou et le modèle des exploiteurs qui parlent de développement et qui cachent les inégalités, la pauvreté et l’exploitation sous le tapis.

Un manifestant brandit le drapeau chilien devant une barricade en feu dans les rues de Santiago du Chili, le 21 novembre 2019, sous le slogan #ChileDespertó (le Chili s’est réveillé). Photo de Fiorella Gonzaga (CC BY 2.0)

L’Argentine brûle, là où un peuple ne supporte plus les politiques explicites du néolibéralisme, le véritable visage du capitalisme, le visage sur lequel convergent toutes les expressions qui veulent l’humaniser. Les masses appauvries sont dans la rue, réclamant une vie meilleure, et si une rébellion n’a pas éclaté c’est à cause des actions complices des dirigeants du camp populaire qui s’autoproclament « opposants » du gouvernement de Mauricio Macri, mafieux et corrompu, mais pas au système qui l’a enrichi, lui et toute sa classe.

Le Brésil brûle, mené par un guignol fasciste. Le Pérou brûle, là où toutes les successions présidentielles sont entachées par la corruption, l’exploitation de son peuple et le pillage de ses richesses. La Colombie brûle, même s’ils la font taire. Haïti brûle, exploitée depuis des dizaines d’années par les griffes impériales. Le Honduras brûle, le Costa Rica brûle. Une flamme ardente traverse Notre Amérique.

Le Moyen-Orient brûle, truffé de pays créés par l’impérialisme européen, diamétralement opposés aux nations préexistantes et pillés principalement par l’Europe et les Yankees, qui ont plongé l’ensemble de la région dans des guerres génocidaires et des catastrophes humanitaires.

Toutefois, les tensions sociales ne restent pas encapsulées dans le monde sous-développé. Les sociétés où le capitalisme s’est davantage développé brûlent aussi.
La France brûle avec ses gilets jaunes comme étendard, se disséminant dans toute l’Europe. La Catalogne indépendantiste brûle, Londres brûle contre le Brexit.
Hong Kong brûle contre son intégration à la Chine.

Le capitalisme engendre des crises mondiales et, au lieu de rendre la vie des majorités populaires plus facile et plus digne, il les asphyxie jusqu’à les faire éclater.
La crise s’aggrave, et il ne peut en être autrement dans un monde où 10 familles concentrent la même quantité de richesse que la moitié de la population mondiale.

Qui peut accepter une telle ignominie ?

Qui peut dire que le monde est juste ?

Personne de sain d’esprit, personne qui porte dignement la condition d’être humain.

La bourgeoisie a su construire, selon ses intérêts, un enchevêtrement de mensonges et de tromperies, de concepts déformés à partir de mots ou de phrases ayant un sens profond pour les masses. Et avec cela, camoufler ses mensonges avec des airs de vérité, conserver l’espoir d’une existence digne et ainsi les captiver et les garder dociles. De cette façon, ils se sont approprié le mot « démocratie », alors que les institutions des États capitalistes maintiennent les privilèges des exploiteurs, des entrepreneurs (des secteurs de la production, des services et bien sûr des finances), des oligarchies, des patrons. Ce sont eux qui déterminent ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, au-delà de la formalité républicaine et « démocratique », car c’est le pouvoir économique qui détermine le développement des sociétés. Le peuple vote tous les deux, quatre ou six ans, mais ce sont les patrons qui décident chaque jour dans les entreprises et les institutions. La mal dénommée « démocratie » bourgeoise n’en est pas une, il s’agit plutôt là d’une tyrannie à travers laquelle la bourgeoisie exploite et pille la classe ouvrière, employée ou marginalisée.

La « liberté » est un des autres concepts qu’ils se sont appropriés, il est pourtant plus clair que jamais que la liberté défendue par les exploiteurs est la leur, essentiellement fondée sur la liberté de marché, car ils sont le marché. Cette liberté pour 5 % de la population mondiale signifie la privation de celle-ci pour les 95 % restants. Pour des millions d’êtres humains, cette privation va jusqu’à l’impossibilité d’obtenir un toit digne, des vêtements et même de la nourriture.

La bourgeoisie du monde entier vante les idées « libérales », mais elles sont en réalité libérales pour ceux qu’elle considère, comme cela se disait à l’époque dans les sociétés antérieures, comme « les sains », « les dignes », « les gens biens », « les gens comme soi ». Cette conception met en avant une évidence, cela veut dire que ce sont les bourgeois qui déterminent qui sont « les dignes »… et qui ne le sont pas. Et les dignes, évidemment, ce sont eux.

Qu’est-ce qu’il nous reste, nous les autres, dans cette conception de classe qui méprise les personnes différentes ?

Voilà pourquoi les États et les politiques qu’ils préconisent traitent toujours de liberté de marché et d’oppression (et de répression) politique. Afin d’assurer la libre circulation des marchandises et des capitaux (bien sûr, toujours entre leurs mains), ils doivent créer des forces armées pour imposer leurs intérêts aux autres sociétés et des forces de répression pour endoctriner la leur. La voie vers le fascisme.

Autre grand mensonge : le salaire est un coût. Pour eux, bien sûr. Car en réalité, ceux qui créent la richesse ce sont les salariés (en transformant les ressources en biens) et qui sont escroqués par les patrons au moment même où ils perçoivent leur salaire, car c’est là que se concrétise le vol de la plus-value de la part de l’employeur.

De la même manière, ils se plaignent des dépenses engendrées par l’État bourgeois pour le « maintien » des pauvres. Ils se plaignent des retraites, de l’éducation et de la santé publiques, des allocations et des programmes sociaux pour les chômeurs, car ils doivent payer des impôts pour leur mise en œuvre. Bien sûr, ils cachent ce qu’ils évadent, le peu qu’ils doivent payer, comparé à ce que paient les pauvres salariés. En ce qui concerne les privatisations, les négociations, la corruption et les subventions, en revanche, les riches coûtent cher à l’État. Infiniment plus que les pauvres. Mais les lois sont de leur côté. Ils volent la plus-value, évadent les impôts qu’ils doivent payer (qu’ils exigent en revanche aux salariés), échappent à ce qu’ils évadent et le placent dans des paradis fiscaux qu’ils ont créés à cet effet. Ainsi, en Argentine, par exemple, la fuite des capitaux représente environ 600 milliards de dollars, soit plus de deux fois le PIB actuel. Ça, c’est VOLER. Pourtant, les prisons sont pleines de pauvres.

La grande supercherie est l’idée antiétatique qu’ils rabâchent en permanence. Les bourgeois n’abjurent pas l’État. Bien au contraire, ils utilisent ses ressources pour soumettre les masses. Ce qu’ils font réellement, c’est minimiser les dépenses pour le développement social, comme la santé, l’éducation, les retraites, et multiplier de façon exponentielle celles qui incombent aux forces de répression, afin de maintenir l’ordre qui protège leurs intérêts.

En définitive, les capitalistes prétendent défendre la démocratie et sont autoritaires, la liberté et sont répressifs ; ils prétendent payer les salaires et volent la plus-value ; ils disent que les pauvres coûtent cher à l’État alors que ce sont eux qui génèrent tous les déficits budgétaires ; ils dénigrent l’État, mais l’utilisent pour opprimer les autres classes et n’hésitent pas à dépenser des sommes monumentales pour équiper les forces de répression.

La société du mensonge et de l’hypocrisie, c’est la bourgeoisie.

La révolte des peuples

Les peuples luttent. Partout. En Équateur et au Chili. En Grèce et en France. Ils luttent contre l’oppression et l’exploitation capitalistes et contre les institutions (vernaculaires ou internationales) que la bourgeoisie a modelées et mondialisées.

Les peuples luttent même s’ils le font de manière désorganisée, plus comme un élan anarchique que comme une révolte dirigée. Ils savent ce qu’ils ne veulent pas, mais ils ont dû mal à voir comment obtenir ce qu’ils veulent.

Car même si certains le nient, les peuples savent à quoi ils aspirent. Partout dans le monde, les revendications contre les pratiques polluantes et prédatrices du mode de production capitaliste se multiplient. Ils se battent pour la protection de la biosphère, tant attaquée par la bourgeoisie mondiale. Ils se battent pour des salaires et des conditions de travail décentes. Ils se battent pour le droit à l’égalité des femmes et des minorités sexuelles. Ils se battent contre l’injustice et les inégalités, contre l’arrogance du pouvoir économique, contre le pillage des ressources naturelles, contre les guerres, la pauvreté et la faim. Ils se battent pour une société différente de celle d’aujourd’hui, sans toute cette misère. Ils se battent, en définitive, contre tout ce que produit le capitalisme, c’est pourquoi, même s’ils le font sans s’en rendre compte, la lutte est contre le capital.

Un manifestant à Santiago du Chili, devant le micro d’un média argentin, a déclaré : « Le peuple chilien est fatigué. Le déclencheur a été l’augmentation du métro, car nous dépensons un tiers de notre salaire dans les transports, mais la colère accumulée est bien plus profonde. Ce sont 30 ans d’asservissement, d’ajustements et d’inégalités. Le Chili est vendu au monde comme un exemple à suivre, un modèle idéal de société, mais le peuple vit dans la pauvreté tandis que les quelques riches sont de plus en plus riches. Piñera lui-même vient d’avouer avoir échappé à l’impôt pendant 30 ans, mais il l’a fait sous couvert des lois qui le permettent, tout en exigeant que nous nous payions ce que nous ne pouvons pas. Nos ressources naturelles sont aux mains des entreprises étrangères, nos entreprises de service sont privatisées, le système de retraite est privatisé, l’éducation et la santé sont payantes. Nous sommes le modèle idéal du FMI. Et le peuple ne peut pas vivre. Nous voulons récupérer nos ressources, nos entreprises, la retraite d’État et l’école publique et gratuite. Cela ne s’arrêtera pas avant la chute de Piñera, mais aucun parti politique ne nous représente, bien sûr pas de droite, mais aucun de gauche non plus, ce qui revient au même ».

Ces mêmes mots, ou des mots similaires, peuvent s’entendre en Équateur, en Grèce ou en France.

Les masses salariales ne croient pas aux partis de gauche qui s’adaptent au système qu’elles prétendent combattre, car à ses yeux elles ne sont ni cohérentes ni crédibles. En outre, la terrible réalité qui se vérifie c’est l’avancée des droites les plus radicalisées. Car même si cela paraît faux, elles ont un discours moins imposé et « intellectuellement honnête » et paraissent plus antisystèmes que les gauches, comme la social-démocratie et l’eurocommunisme, qui ont notamment gouverné des régions voire des pays dans lesquels elles se développent.

Le problème est donc de construire l’outil adapté qui organise toute cette puissance sociale et la canalise vers la destruction de l’origine de tous ses maux et la construction de la nouvelle société, sans les fléaux du capitalisme : le socialisme.

Les tâches des révolutionnaires

Le grand problème de la classe ouvrière, des majorités exploitées et marginalisées du monde, c’est l’absence de directions véritablement antisystèmes, révolutionnaires et d’une véritable unité mondiale telles qu’exprimées par les Internationales (1ère, 2e et 3e). Cette absence s’est matérialisée depuis la chute de ce que l’on appelait « le socialisme réel ». Depuis lors, en raison du discrédit de l’idéologie qui a produit cet effondrement, les masses se retrouvent orphelines d’une théorie émancipatrice et de sa praxis conséquente.

Toutefois, l’idéologie existe, et il s’agit sans aucun doute du marxisme, de plus en plus applicable au fil des années et des décennies. Le problème est donc celui des organisations qui se proclament révolutionnaires. Car si les peuples luttent contre l’opprobre capitaliste, il est de la responsabilité des révolutionnaires organisés de construire les ponts pour les orienter vers cet horizon.

Si la bourgeoisie a été intelligente et maligne en discréditant les idées de la gauche, alors il faut se préparer à être plus intelligents et malins qu’eux. Il est impossible qu’en luttant pour la même chose, les masses ignorent, ou pire, rejettent les organisations révolutionnaires. Il faut chercher des tactiques de rapprochement pour pouvoir accompagner et présenter les propositions. Tous les efforts doivent être mis en œuvre pour atteindre cet objectif, car le bouillon de culture est là et il faut savoir comment l’assaisonner. Sans descendre d’aucune façon, trouver les formes qui, jusqu’à présent, selon ce que la réalité indique, ne donnent pas de résultats.

C’est la tâche fondamentale, car les peuples sont en train de se rebeller et le mouvement révolutionnaire est en train de perdre un rôle d’union avec les masses. Il ne sert à rien de sortir dans la rue et de s’adonner à des batailles encapsulées, séparées du mouvement concret de celles-ci.

Les peuples luttent. Le capitalisme craque et expose sa décadence et sa limite historique, qui arrivera tôt ou tard. Il y a de l’espoir. Il faut l’assumer avec humilité et intelligence, loin de toute folie et de tout dogmatisme. L’avenir commence à s’éclairer.

Lire l’article original en espagnol sur le site de Rebelión

Commentaires

Cet article, initialement paru en espagnol sur le site de Rebelión le 24 octobre 2019 sous licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 2.5 ES), a été traduit vers le français par Charlène Brault, traductrice bénévole pour ritimo.